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L’ALSACE EN 1814 ET EN 1914.

capital, l’attitude entre la France et l’Allemagne, les sentimens alsaciens à l’égard des Français et des Allemands. L’Alsace a fait son choix, choix de raison, choix d’intérêt, choix de cœur. Quelques moyens qu’on emploiera, il faudra renoncer à l’en faire revenir.

Et il est bien vrai que ce choix, l’Alsace l’avait fait depuis longtemps, si elle ne l’avait jamais peut-être déclaré avec une aussi franche netteté. Le choix de l’Alsace est dicté par l’histoire, sa situation, le rôle qu’elle a joué dans le monde bien avant que ce nom, devenu pour nous si émouvant, ait apparu d’abord sous des formes diverses dans d’obscures chroniques du plus haut moyen âge. On a disputé sur l’étymologie de son nom comme sur toutes les époques de son histoire et même de sa préhistoire. « Terre contestée où se heurtent des races ennemies, » dit le meilleur de ses historiens, M. Rodolphe Reuss. Il y a des contestations d’érudits et d’anthropologues ; ce ne sont pas les moins féroces. Terre contestée où les sentimens de l’Alsace, qu’on n’a pas toujours consultés, se montrent incontestés aux époques décisives. Mais jamais peut-être ils ne se sont mieux manifestés qu’il y a cent ans ; jamais le choix de l’Alsace, qu’on pouvait lire par avance dans son histoire et ses traditions, n’a été plus éloquent.

Pour en revenir à l’étymologie d’un nom treize fois centenaire, qu’il désigne comme on le voudrait maintenant, non la vallée de l’Ill, mais le « pays des hommes en terre étrangère ; » que cette expression ait été appliquée par les Allemands de la rive droite du Rhin à ceux de leurs frères, ancêtres des « immigrés » d’aujourd’hui qui avaient passé sur la rive gauche, rive romaine, cela n’indique pas chez les premiers, à cette époque, la conception d’un pays très germain. Passons mille ans et plus, remplis par les disputes, à propos de l’Alsace, des hommes armés des engins de la guerre ou de ceux de l’érudition. Mille ans où il y a pour l’Alsace de fortes discussions. Elle a été sans conteste gauloise, romaine et franque. Elle a été longtemps germanique, d’une façon très particulière, avec plus de contestations. Voici un texte. Il est de l’année 1677, de l’époque où l’Alsace se détache bien facilement d’une Germanie fort différente de celle d’à présent, pour être rattachée peu à peu, par morceaux, grâce à une politique habile, à la France. Quatre ans avant l’annexion de Strasbourg par Louis XIV, un jésuite