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à la question d’Orient, la question de Pologne l’a été plus d’une fois à la question d’Alsace. Une sorte de lien mystérieux est apparu entre elles plus d’une fois au cours de ces grandes guerres de la Révolution, ouvertes sur une question d’Alsace, où la question de Pologne a joué un rôle tel que sans elle on ne saurait les expliquer. C’est la Pologne qui, au début, a sauvé l’Alsace envahie par les armées de la Prusse et de l’Autriche, avec les dissensions qu’elle mettait entre elles, tandis que l’armée de Hoche, en décembre 1793, regagnait l’Alsace sur ces mêmes champs de Frœschwiller et de Wissembourg où, — l’ordre et l’importance des batailles étant renversés, — nous l’avons perdue au mois d’août 1870. C’est encore la Pologne qui, vers la fin, dans les premiers mois de l’année 1814, a sauvé l’Alsace, alors envahie avant et avec la France par les Alliés. De ces trois co-partageans, deux, la Prusse et l’Autriche, de nouveau alliés aujourd’hui, redoutaient surtout que la Russie ne reconstituât déjà une Pologne à son avantage ; pour l’empêcher, elles préférèrent renoncer à cette Alsace qu’on leur faisait miroiter comme une compensation. En revanche, un demi-siècle plus tard, c’est la convention du 8 février 1863, habilement et opportunément conclue par Bismarck avec la Russie au sujet de la Pologne, qui assurait à la Prusse la neutralité bienveillante de son puissant voisin de l’Est dans la série d’entreprises qui devaient aboutir à la constitution de l’Empire allemand à travers trois guerres. Cette fois, c’est la Pologne sacrifiée qu’on a pris comme instrument pour préparer la perte de l’Alsace.

Pologne, Alsace, deux grands noms généreux que l’histoire avait rapprochés souvent, qu’elle rapproche encore aujourd’hui par le geste libérateur de Nicolas II, qui ressuscite la Pologne à l’heure même où toutes nos préoccupations sont ramenées sur l’Alsace. L’Alsace-Lorraine et la Pologne unies par la communauté du sort sous le régime de l’oppression prussienne-allemande, nous pouvons maintenant les associer sans idée de troc ou d’échange, de marchandage ou de compensation, sans que l’une ait à payer pour l’autre.

|Il est un pays qui, pour nous, domine les vastes perspectives qui s’ouvrent de toutes parts, le champ illimité des boule-