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rendre aux officiers allemands la justice que, dans leurs écritures, ils sont véridiques : ils les rédigent pour eux, pour leurs familles, pour l’histoire peut-être, sans se douter qu’elles peuvent arriver à une autre adresse. Nous serons aussi indiscrets que nos journaux qui ont reproduit les courts, mais dfs récits de l’officier saxon. Le 17 août, il est en Belgique et il écrit : « Je visite le petit château qui appartient à un secrétaire du roi des Belges. Nos hommes se sont conduits comme des vandales. D’abord on a pillé la cave et on y a tout bouleversé. On a même fait des tentatives d’effraction sur le coffre-fort. Tout est pêle-mêle : de magnifiques meubles, des soieries, des porcelaines brisées. Nos hommes ont emporté un tas de choses inutiles, pour le simple plaisir de piller. » L’officier saxon, lui, a des instincts moins sauvages, mais aussi moins désintéressés : il ne pille pas pour le simple plaisir de le faire. « Moi-même, dit-il, je n’ai pu m’empêcher d’emporter par-ci par-là de petits souvenirs. J’ai trouvé un superbe imperméable et un appareil photographique que je destine à Félix. » Heureux Félix ! Heureux officier qui sera désormais à l’abri de l’humidité ! Mais ce ne sont là que des peccadilles et il y a mieux, beaucoup mieux : notre officier saxon en est lui-même par momens effarouché. Le 23 août, sa compagnie est canonnée et se replie. « Nos hommes, lisons-nous, disent qu’ils ne peuvent plus avancer parce que les francs-tireurs les fusillent des maisons. On s’empare des soi-disant francs-tireurs et on les place sur trois rangs pour qu’un même coup de fusil abatte trois hommes à la fois. Nous prenons position le long de la Meuse. Nos hommes se sont comportés comme des vandales (encore !) Tout a été bouleversé. Le spectacle des cadavres des habitans tués défie toute description. Il ne reste plus une seule maison debout. Nous retirons de tous les coins les survivans les uns après les autres et on fusille en bloc, hommes, femmes et enfans trouvés dans un cloître qui a été incendié. » Le 26 août, la colonne arrive dans d’autres villages : « La population, écrit notre homme, avait averti les Français du passage de nos troupes, aussi mettons-nous le feu au village après avoir fusillé le curé et quelques habitans… Nous franchissons la frontière française et cantonnons à Guy-d’Ossus. Le village est en feu ; cette pittoresque petite commune a été incendiée, bien qu’innocente. Un cycUste, en tombant, avait fait partir son fusil. Il prétend aussitôt -qu’on avait tiré sur lui. Là-dessus on a jeté tous les habitans dans les flammes. De telles horreurs ne se reproduiront plus, je l’espère. À Leppes, on a tué 200 habitans, parmi lesquels il devait se trouver des innocens. À l’avenir, on devra procéder à une enquête et établir la