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depuis Mons et Charleroi jusqu’à la Marne. La sécurité de Paris n’était rien moins qu’assurée. Elle était menacée par la marche rapide, audacieuse, téméraire du général von Kluck dont le canon retentissait déjà à nos oreilles. Aujourd’hui nous sommes revenus tout près de la frontière belge, dans le voisinage de la mer du Nord. C’est le moment qu’a choisi M. le Président de la République, et il a eu raison, pour rendre à nos armées une visite qui, dit-il dans sa lettre au ministre de la Guerre, a été « profondément émouvante. » Elle lui a permis de constater chez nos soldats « les impérissables vertus militaires qui ont fait, depuis de longs siècles, la force de notre race et la grandeur de notre pays. » Il a reconnu dans ces troupes magnifiques la « synthèse vivante de l’énergie nationale. » Il a indiqué et mis en relief la qualité maîtresse à laquelle elles devront la victoire, « qui ne sera pas seulement le prix de la bravoure, mais celui de la persévérance et de la ténacité. » Ce sont là, en effet, les vertus essentielles du soldat moderne. M. Poincaré, après avoir visité le général Joffre dans son état-major, est allé voir le général French dans le sien. Le télégramme qu’il a adressé au roi d’Angleterre et celui qu’il en a reçu sont une nouvelle manifestation de la solidarité des deux armées, solidarité qui ne tient pas seulement à la communauté des intérêts : elle a une base non moins solide dans la réciprocité de l’estime et de la confiance. Anglais et Français sont vraiment frères d’armes. Ils combattent pour la même cause qui est celle de la civilisation et de la liberté. Nous parlons de la liberté des nations et de leur indépendance auxquelles l’Allemagne, domestiquée par la Prusse, prétend imposer le poids étouffant de son hégémonie. Quant à la civihsation, elle est sans doute mieux représentée par les descendans de ceux qui ont construit la cathédrale de Reims que par les barbares qui l’ont incendiée. La victoire allemande, si le malheur voulait qu’elle se produisît, serait un recul de l’humanité. Nous recommandons à ceux qui pourraient en douter encore, la lecture de la belle lettre que M. Émile Boutroux, un des hommes qui connaissent le mieux l’Allemagne, nous a fait l’honneur de nous écrire et que nous reproduisons en tête du présent numéro de la Revue.

S’il est impossible de suivre les mouvemens militaires dans leurs détails, il faut cependant indiquer le caractère général qu’ils ont dans l’ensemble. Ce caractère leur est donné par les procédés de la guerre moderne et par les dernières manœuvres stratégiques. Avant l’ouverture des hostilités, on raisonnait beaucoup sur ce que devaient être désormais les procédés de la guerre, mais, quelque vraisemblables