Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/493

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUES ÉTRANGÈRES

L’HÉRITAGE DES VICTOIRES DE 1870


Leutnant Mucki, par le baron von Schlicht, un vol. in-18, Leipzig, 1914. — Die Erben, Roman aus Neudeutschland, par Carry Brachvogel, un vol. in-18, Berlin, 1904.


Le noble et riche colonel von Traubach vient d’apprendre sa promotion au grade de général. Frémissant de plaisir, il se hâte de rentrer chez lui, pour transmettre aux siens la merveilleuse nouvelle.


Mais la ci-devant colonelle, — qu’il trouva seule à la maison, leur fille Centa n’étant pas encore revenue du manège, — bien loin de pousser le cri de joie attendu, manqua de s’évanouir sur le sofa où elle se tenait assise.

— Qu’as-tu donc ? — lui demanda son mari stupéfait, dès qu’il la vit un peu remise de son saisissement. — Qu’as-tu, ma chérie, et ne te réjouis-tu pas de me savoir général ?

— Hé ! comment pourrais-je m’en réjouir ? — répondit-elle en secouant tristement la tête. — Voici que, de nouveau, nous allons avoir à déménager ! Et ne l’oublie pas, Otto, ce sera notre dix-neuvième déménagement, depuis le jour où je t’ai épousé ! Dix-neuf fois, depuis ce jour, il nous a fallu changer de logement, et dix fois changer de garnison. Ici encore, il n’y a pas deux ans que nous nous étions installés ; et à peine commencions-nous à nous y sentir un peu au chaud, que voilà déjà que nous allons avoir à chercher ailleurs !


En vain le général lui rappelle-t-il que leur grosse fortune personnelle leur permettrait, au besoin, de faire même l’achat d’un mobilier complet. « Ce serait le troisième depuis notre mariage ! » s’écrie amèrement Mme von Traubach, dont l’émoi douloureux n’a fait que s’accroître