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ayant pris les armes pour la défense des Slaves méridionaux, est tout indiquée pour se faire le porte-parole autorisé des demandes de garanties qu’ont raison de demander les Italiens dans l’Adriatique. Là en effet vont se dénouer les fils embrouillés de tant de convoitises longuement mûries. Nous avons vu d’ailleurs que l’accord pourrait être obtenu assez facilement, par des efforts soutenus de part et d’autre sur le terrain même des rivalités qui rendaient naguère la France à Tunis et l’Angleterre au Caire des voisines si dangereuses pour la sécurité de notre nouvelle colonie.

Plus sûrement encore que le souvenir des traditions de culture que la France a puisées de tout temps dans notre vieille sève latine, plus sûrement qu’en vertu de la dette de reconnaissance que l’Italie a contractée en 1859 et dont elle n’est quitte que matériellement par la cession de Nice et de la Savoie, ces réalités présentes pourront servir à transformer la neutralité d’aujourd’hui dans l’alliance de demain. L’adjonction de l’Italie au groupe harmonieux de Puissances qui, il y a quatre-vingt-cinq ans, présidait à la libération de la Grèce, rendrait complet l’accord des peuples réfractaires aux envahissemens rêvés par l’impérialisme teutonique, qui, dans ce cas, devrait vite s’avouer vaincu.

Et si même le jeu si serré de la partie diplomatique engagée à l’heure qu’il est, tout près des armées qui se battent, mais hors de la portée du cabinet de travail des historiens, devait empêcher les drapeaux de Solférino et de San Martino de flotter de nouveau ensemble au champ d’honneur, pour la défense de la liberté européenne, un fait sera toujours acquis à l’actif de l’Italie moderne : c’est que, à la grande joie de nous tous qui croyons le sort du progrès humain dans ce siècle lié à la collaboration pacifique des Puissances libérales, l’Italie, née de la réalisation d’une idée de justice, n’a pu, coûte que coûte, renier le titre, la raison d’être de son existence et se prêter à une agression contre la France.


GIUSEPPE GALLAVRESI.

de la Faculté des Lettres de Milan.