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vers la fin de juillet à Belgrade et, lorsqu’elle aperçut au fond de ce vase de Pandore la guerre générale qu’on y avait apprêtée d’accord avec Berlin, nettement, rapidement, elle dégagea sa responsabilité.

Ainsi l’Italie a pu rester neutre, appuyée, bien plus solidement que sur la lettre d’un traité d’alliance purement défensive, sur le bon droit du partenaire qui ne peut être amené par aucune raison à jouer le jeu de son adversaire. La morgue autrichienne est arrivée à ce résultat qu’elle a voulu réaliser les clauses prévues pour la coopération militaire italienne juste sur le point visiblement mort de cette coïncidence problématique et éphémère, qui avait pu surgir entre les intérêts des deux Puissances. Les empires allemands durent partir en guerre sans pouvoir sérieusement prétendre traîner à la remorque le troisième allié, dont l’inaction a permis depuis plus de deux mois à la France de dégarnir les Alpes et de masser toutes ses troupes au Nord et à l’Est, pour contenir l’invasion tudesque.

Sans m’exposer au risque d’indiscrétions coupables ou prétentieuses, j’ose avancer que telle a été la simple victoire diplomatique de la neutralité italienne, dans ses grandes lignes.

Désormais, se pose de plus en plus angoissant le problème du maintien de cette neutralité même, réel bienfait dont jusqu’ici la Triple Entente a compris la portée, mais demain peut-être cause d’irritation pour l’opinion publique chez les peuples qui auront pris part à la croisade contre l’hégémonie du militarisme prussien. Il est loisible, voire nécessaire, que, nous autres Italiens, nous nous demandions avant toute autre chose si notre abstention — dictée par un scrupule envers les alliés d’hier — ne pourrait pas nous amener bientôt à un isolement dangereux, à une perte définitive de nos chances de ramener au bercail nos frères séparés.

Dans une heure aussi grave, où chaque peuple a le droit et le devoir de sauvegarder son avenir, il importe essentiellement que les amis d’une entente solide entre les deux nations sœurs, que nous tous, qui, en Italie aimons la France comme une seconde patrie de notre culture, que vous autres italianisans de France, nous travaillions tous à faire naître ces coïncidences d’intérêts, ces grands courans de sentimens communs, qui emportent les vieux traités comme des feuilles mortes au vent d’automne. La France, alliée courageuse et fidèle de la Russie,