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Quant aux difficultés sans cesse renaissantes entre l’Italie et l’Autriche, le seul moyen qu’on ait trouvé jusqu’ici pour les empêcher de mener à une guerre ouverte, a consisté dans le maintien de l’Alliance. On avait toujours, par ce fait même, des motifs à opposer aux impatiens des deux bords, des compensations plus ou moins fictives à faire valoir, enfin un troisième allié, l’empereur d’Allemagne, assez disposé à intervenir pour tendre au besoin le rameau d’olivier. Les causes de la désaffection demeurent néanmoins aussi profondes que possible entre la vieille monarchie des Habsbourg et le nouveau royaume fondé par la maison de Savoie sur le suffrage populaire. Celui ci est né uniquement de la décadence de celle-là. Si les manifestations contre l’occupation italienne de Rome ont toujours été plus bruyantes à Vienne qu’à Paris, c’est qu’elles n’étaient pas dictées seulement par les préoccupations si respectables des catholiques pour l’indépendance pontificale, mais qu’elles s’étaient grossies en route de toutes les rancunes des légitimités évincées et périmées. L’antagonisme ne saurait être plus grand entre les tendances du gouvernement autrichien, qui, en somme, n’a pas beaucoup varié depuis Metternich et Radetzky, et celles de la monarchie libérale ouverte à la collaboration de tous les partis, sympathisante, malgré la différence du régime, avec les élémens irréductibles et profonds de la civilisation française.

L’opposition entre l’Autriche et l’Italie a été maintenue à l’état aigu par la guerre menée, à tous les degrés de la massive hiérarchie qui domine l’Autriche, contre les sujets de l’empire d’origine italienne, si nombreux dans les provinces du Sud-Ouest.

Imaginez une Alsace-Lorraine moins bien partagée encore, car elle n’est pas massée dans un bloc compact en deçà du Rhin ; elle se déroule comme un ruban au seuil des Alpes. C’est au premier plan, en venant de l’Ouest, le pays de Trente, soudé de force au Tyrol, dont il est la contre-partie à tous les points de vue, traqué le long de ses vallées appauvries par les écoles germaniques, asservi économiquement à Innsbruck, tandis que ses fleuves descendent vers le Midi, ainsi que tous ses débouchés naturels. Suivent le Frioul oriental, les terres groupées sous le nom officiel de comtat de Gorizia et de Gradisca, qui ne sont que le prolongement de la province italienne d’Udine, fragment du territoire national, séparé de lui pour des raisons stratégiques