Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le plus troublant qui se pose devant un Italien soucieux de l’avenir de sa patrie, problème susceptible des conséquences les plus importantes pour toutes les nations en guerre, selon les différentes solutions qui peuvent être envisagées ? Non certes, car, au-dessus des formules savantes élaborées, à grand renfort de sanctions dans les chancelleries pour enchaîner les destinées des peuples, il existe des forces qui agissent indépendamment de toute négociation, se font sentir avec tout leur poids aux tournans de l’histoire et qu’il est loisible de reconnaître et d’étudier lorsqu’elles sont mises à nu par des circonstances d’une gravité exceptionnelle.

Le fait est que l’Italie, liée aux deux empires allemands par un pacte plusieurs fois renouvelé et qu’une longue expérience a éprouvé, a pu se dégager de l’étreinte, dès que l’Alliance a pris un caractère offensif à l’égard de nations unies à l’Italie par de simples affinités de race et de tendances. Nous sommes restés l’arme au pied dans la conflagration générale qui dure depuis deux mois, tandis que notre place semblait nettement marquée dans l’un des camps. Il est donc permis, sans porter atteinte au moindre secret d’Etat, d’examiner les raisons profondes de cette attitude que l’on n’osait escompter à Paris et à Londres, pour en tirer peut-être quelque enseignement en vue d’un avenir prochain.

Sans remuer d’anciens levains de discorde, nous rappellerons que la Triple-Alliance a été signée par l’Italie, sur l’initiative d’un ministère de gauche, pour garantir l’intégrité du territoire national (que semblaient mettre en cause en France des manifestations en faveur du pouvoir temporel du Saint-Père) et pour assurer, malgré les ambitions rivales de la France, la possibilité pour la Péninsule de respirer plus librement au milieu de la Méditerranée. Une observation assez rapide suffit à constater que le terrain de ces combats internationaux a été depuis lors déplacé et que ces controverses ne prêtent plus guère à des débats passionnans. Sans jamais renoncer formellement à Rome, tout au contraire en maintenant officiellement sa protestation, le Saint-Siège a fini, poussé par ses fidèles d’Italie, par s’accommoder en fait sinon en droit d’un régime qui semblait d’abord intolérable aux catholiques français et les rendait par là hostiles et suspects à l’Italie nouvelle. Après avoir essayé avec Crispi de fonder un empire en