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plie avec succès, l’escadre russe de la Baltique s’étant bornée, comme on vient de le voir, à détacher de Reval un de ses croiseurs cuirassés, pour observer la force navale allemande.

Nos alliés eussent-ils pu faire davantage ? Il est impossible de se substituer à leur état-major dans l’appréciation de conjonctures aussi délicates. La flotte de la Baltique, en voie de réfection depuis cinq ans environ, n’est pas encore en état de se mesurer seule avec la flotte allemande, ni même peut-être avec la portion de celle-ci que l’état-major de Berlin affecte plus particulièrement à « l’Ost-sée, » se réservant de la renforcer, en cas de besoin, avec des élémens empruntés aux escadres de la mer du Nord et qu’il ferait rapidement passer dans la Baltique, grâce au très précieux canal de Kiel, récemment élargi et creusé.

C’est justement ce qui s’est produit jusqu’ici et qui se produirait toujours si les escadres dont je viens de parler gardant obstinément la défensive, la flotte anglaise ne trouvait pas le moyen, soit de les obliger à se départir de leur prudente réserve, soit de les aller chercher dans leur place forte maritime de l’estuaire de l’Elbe, où débouche le canal maritime.

L’action de la flotte russe de la Baltique se ferait certainement sentir d’une manière plus efficace si, aux quatre cuirassés d’escadre qu’elle compte actuellement (Cesarewitch, Slava, Empereur Paul Ier, Andréii Pervozvanii,) pouvaient venir se joindre, cet automne, les quatre Dreadnoughts du type Gangout que l’on achève en ce moment aux chantiers Baltiques et de l’Amirauté, à Pétrograd même[1]. En attendant une entrée en ligne qui serait si hautement désirable et bien qu’elle dispose d’une escadre légère fort sérieuse et de nombreuses escadrilles de contre-torpilleurs et de sous-marins, l’Amirauté russe semble avoir adopté une tactique à peu près passive, qu’elle abandonnera, n’en doutons pas, quand les circonstances seront favorables.

L’adversaire, du moins, ne semble pas disposé à entreprendre sur le littoral russe. Les 23 et 24 septembre, 38 navires allemands, dont 9 de première ligne et 7 transports, ont paru devant Windau, port de commerce assez important de la Cour-

  1. On y achève aussi, aux mêmes chantiers, les 4 puissans croiseurs de combat de 32 000 tonnes du type Borodino qui balanceraient aisément les Lutzow et les Seydlitz de l’Allemagne. Mais ces unités ne seront sans doute disponibles qu’en 1915 et 1916.