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une seconde édition de la galerie historique de Versailles,

Avouons-le : l’art populaire n’est, la plupart du temps, qu’une contrefaçon du « grand art ». Bien loin d’en être le germe, il en est presque toujours le reflet déformé. Tels sont ces vieux Noëls, sur lesquels furent écrites tant de pages attendries, et dans lesquels il ne faut voir qu’un sous-produit de la pastorale de cour, un genre dégénéré, où l’on trouve les noms d’un abbé Pellegrin, d’un frère Macée et d’une Françoise Paschal, Lyonnaise, auteur d’un Endymion et d’un Agathonphile. L’image d’Epinal n’est qu’un autre exemple de ce déclassement des genres, qui fait qu’au bout de quelques siècles les vieux romans mondains, la littérature chevaleresque, deviennent le charme des paysans, la balle des colporteurs et le fonds de commerce de la Bibliothèque Bleue. Seulement, le déclassement s’opère ici beaucoup plus vite et d’une manière systématique. Le plus amusant, c’est qu’en réalité rien n’est plus conforme à l’origine et à l’objet de la gravure. La gravure, en principe, est un art de reflet, un simple procédé de vulgarisation : c’est ce qu’elle était au début, et c’est ce qu’elle redevient entre les mains de Jean-Charles. L’estampe d’amateurs, tirée à petit nombre, est une idée assez récente ; peut-être ne date-t-elle que de Rembrandt, et le nom de certaines pages fameuses, comme la Pièce aux cent florins, témoigne de la mauvaise humeur avec laquelle on accueillit des œuvres si coûteuses. Et, tandis que la gravure devenait originale, se perfectionnait, raffinait ses procédés en eau-forte, aquatinte, mezzotinte, l’antique xylographie, restée en possession de plaire aux bonnes gens, retrouvait une seconde jeunesse ; le vieux bois se mettait à refleurir, perpétuant encore, en plein XIXe siècle, quelques-uns des usages et des traits archaïques de la tradition gothique.


Car elle a beau n’être qu’un reflet, l’image d’Epinal n’en a pas moins son style, ses caractères intrinsèques qui la distinguent d’une lieue, et qui en font un genre à part. Soyons francs : le grand art aussi vit d’imitations, et peut-être les artistes les plus originaux sont-ils ceux qui se souviennent le plus et qui ont le plus imité. Mais il y a la manière, et la manière d’Epinal vaut la peine qu’on s’y arrête. Il faut voir comment l’ouvrier transforme son modèle, quel travail il lui fait subir, et comment