Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/457

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

recevoir des betteraves à l’époque ordinaire. Il est donc certain que le sucre va devenir rare et cher, cela est même d’autant plus certain que l’Allemagne, l’Autriche et la Belgique, pays de très grosse production, ne pourront pas sans doute exporter les quantités de sucre dont le marché dispose ordinairement. La cote des sucres à la Bourse de Paris accuse en septembre une hausse de plus de 10 pour 100 ; elle traduit ainsi une inquiétude générale très justifiée. Cette situation est d’autant plus déplorable que la perte énorme qu’elle accuse sera supportée presque exclusivement par la région du Nord, déjà si cruellement éprouvée.

Parmi les grandes productions agricoles végétales, il y a lieu de compter le vin. Nous ne pouvons pas manquer d’en parler. La récolte ne parait pas bonne, sauf dans le Languedoc où elle est probablement moyenne ou médiocre. Le défaut de main-d’œuvre et la rareté des capitaux disponibles rendent la vendange particulièrement difficile dans les six ou sept départemens méridionaux. La cueillette du raisin doit se faire à peu près au même moment sur le littoral méditerranéen. La mobilisation a enlevé tous les hommes en pleine force. Assurément, femmes, enfans, vieillards, seront utilisés, et la nécessité rendra les vignerons avisés et prévoyans. Toutefois, à vrai dire, la difficulté reste grande pour tout le monde, et plus spécialement pour les grands propriétaires qui ont recours à la main-d’œuvre salariée. Il y a, d’autre part, des avances considérables à faire pour opérer la vinification, et bientôt après, pour donner aux vignes les soins qui assurent la récolte prochaine, celle de 1915 ! A un moment où chacun restreint ses dépenses, il est clair que la consommation du vin doit fléchir, et, en dépit du déficit de la production dans les régions du Centre ou de l’Est très éprouvées par le mildew, il est possible que les débouchés soient, cette année, bien moins larges que d’ordinaire. Les prix auront donc une tendance à fléchir au moment même où les producteurs verront grossir leurs dépenses par suite de la rareté de la main-d’œuvre, rareté qui risque d’en élever le taux.

Il ne faut pas oublier, d’autre part, que les vignobles algériens sont très productifs. Nul ne sait exactement quelles seront les exportations de l’Afrique du Nord. Elles serviront en tout cas à combler le déficit de la production métropolitaine en nous fournissant trois ou quatre millions d’hectolitres, si ce n’est