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ou cavaliers n’ont pas détruit la récolte en foulant le sol qui la recelait. Les pertes ont donc été moindres que pour les grains. L’abondance de nos réserves disponibles va rester considérable, et l’alimentation publique sera très largement assurée. Une seule observation mérite d’être consignée ici. Les départemens envahis sont précisément ceux qui produisent les trois quarts, si ce n’est les quatre cinquièmes des betteraves industrielles récoltées chaque année en France. Ces racines n’ont-elles pas été brisées, arrachées, et consommées comme fourrages par l’ennemi ? On peut le craindre. D’autre part, les fabriques d’alcool de cette région ont été sans doute dévastées systématiquement, et il en a été de même pour les sucreries, dont les mélasses constituent une des matières premières de l’industrie de l’alcool. Dans ces conditions, il faudra utiliser la pomme de terre pour remplacer la betterave de distillerie et les mélasses en vue de la fabrication des alcools. Nos pommes de terre, recherchées déjà par les féculeries, seront probablement plus chères. Il ne faut pas exagérer cependant, et nous trouverons sans doute à l’étranger, sans grandes difficultés, des alcools ou des fécules, pour combler le déficit de notre production.

En tout cas, dès à présent, à la fin de septembre, la pomme de terre reste à bas prix relativement, parce qu’elle est encore fort abondante. Notre puissance productive est si grande que nulle crainte sérieuse ne saurait être légitimée par la situation actuelle. Le défaut de main-d’œuvre au moment des arrachages est une grave difficulté, mais nous sommes persuadé que nos cultivateurs en triompheront, puisque les marchés sont fort bien approvisionnés en ce moment même.

Notre confiance fait place aux appréhensions les plus vives en ce qui concerne la betterave à sucre. Les sept départemens envahis au moins en partie, à savoir : l’Aisne, les Ardennes, la Marne, le Nord, l’Oise, le Pas-de-Calais et la Somme, produisent, à eux seuls, 58 millions de quintaux de betteraves sucrières, alors que dans la France entière la récolte ne dépasse pas 72 million s de quintaux. Plus de 80 pour 100 des quantités produites sont tirées précisément de la zone envahie. L’arrachage et les transports seront très difficiles ou impossibles, au moment opportun, c’est-à-dire pendant le mois d’octobre. D’autre part, comme nous le disions plus haut, beaucoup de fabriques de sucre ont été pillées, dévastées, ou mises, à tout le moins, hors d’état de