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baies largement ouvertes, ses plafonds élevés, ses appareils d’électricité et de chauffage central, on le dirait destiné aux victimes de la guerre. Et il n’est pas jusqu’à ses devises, écrites depuis un an, qui ne semblent choisies pour l’objet actuel : PATRIE, sur le cartouche de la grande cour ; sur une face de l’horloge : L’HEURE FRANÇAISE SONNERA TOUJOURS ; sur l’autre : QUAND L’HEURE SONNE, HOMME , SOIS DEBOUT. Salles d’opérations et de radiographie, cabinet dentaire, salles de bains, étuves, chambres d’isolement, cuisine, lingerie, tout est mis au point. Dix grandes voitures automobiles, munies de brancards et de matelas, n’attendent qu’un signal pour aller quérir des blessés. Nous avons deux cent cinquante lits ; le nombre en augmente chaque jour et pourra s’élever à cinq ou six cents. Le personnel, où se mêlent Américains, Anglais et Français, se compose d’environ 15 docteurs [1], 50 infirmières diplômées, avec 30 auxiliaires femmes et 40 auxiliaires hommes. Une douzaine de personnes s’emploient à la lingerie, une cinquantaine aux plus gros travaux. L’administration occupe 12 à 15 hommes dont un architecte, qui n’a pas l6 moins à faire.

Bien que la partie supérieure de ce personnel travaille sans rétribution et qu’on reçoive beaucoup de dons en nature, les dépenses, on le devine, s’élèvent à un gros chiffre. Les frais de fonctionnement s’évaluent à une centaine de mille francs par mois ; les frais d’établissement ont déjà dépassé cette somme.

Les ressources proviennent entièrement de la généreuse charité des Américains. C’est le Conseil d’administration de leur hôpital de Paris qui a pris, dès le début de la guerre, l’initiative du mouvement. La colonie qui réside en France a presque à elle seule donné le demi-million qui fut souscrit le premier mois. New-York et les autres villes des Etats-Unis sont venues ensuite ; et, malgré la crise qui sévit là-bas comme ailleurs, on peut être sûr que les fonds ne manqueront pas. L’Amérique a sa Croix-Rouge, qui secourt, ainsi qu’il est juste, les blessés de toutes les nations ; mais, parmi les belligérans, elle a voulu

  1. Au 6 octobre, la liste des médecins s’est encore augmentée et comprend : MM. Du Bouchet, chirurgien en chef ; Blake, Blanchard, Brathwait, Bromer, Carry, Chauveau, Conkling, Davenport ; Derby, gendre du président Roosevelt ; Dygdale, Evringham, Gros, Haguet, Hayes, Jablon, Jeaugeas, Kœnig, Kopp, Lyon, Magnin, Rice, Rogers, Soulier, Turner, Worcester. A la même date, nous avons 255 blessés et il en est sorti, guéris ou défunts, une cinquantaine. Je pourrais citer, parmi les infirmières, l’élite de la société américaine et des noms universellement connus.