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que les Berlinois mirent d’autant plus d’empressement à souscrire que les négociations avec Paris avaient échoué. Mais ils s’abstinrent en général de participer aux émissions de fonds balkaniques, qui inondèrent le marché français. Ils eurent même soin de nous abandonner le dernier emprunt turc, dont nous portons tout le poids et qui a servi à payer les cuirassés allemands réfugiés dans la mer de Marmara et la mission militaire prussienne qui est à la tête de l’armée ottomane.

Peu de temps avant la guerre, l’une des grandes banques berlinoises avait signé un contrat d’emprunt avec la Bulgarie, dont elle espérait ainsi nous enlever la clientèle. Mais des clauses résolutoires étaient prévues, qui ont joué dès la fin de juillet. L’établissement se trouve aujourd’hui dégagé vis-à-vis du gouvernement de Sofia.

En considérant tous ces faits, il semble qu’on retrouve comme un fil conducteur qui a réglé la conduite des financiers et les a fait agir avec persévérance dans un même sens : garder le plus possible leurs ressources intactes, ne pas les envoyer au dehors, ne pas les disperser dans un grand nombre d’entreprises plus ou moins incertaines ; suivre en un mot la recommandation de l’empereur Guillaume : « Tenez votre poudre sèche. »

Les marchés allemands de valeurs mobilières ont néanmoins, comme la plupart des autres, fermé leurs portes au début du mois d’août. Celui des céréales est resté ouvert. La hausse y a été moins rapide qu’à New-York, où le froment a atteint des cours inconnus depuis longtemps. L’acheteur le plus marquant sur le marché des grains est l’ « Office central d’acquisition des objets nécessaires à l’armée, » qui a demandé que des blés lui soient présentés une fois par mois, et sollicite les offres des vendeurs pour cette date.

Quelques voix se sont élevées pour demander la réouverture des bourses de valeurs, mais elles n’ont rencontré que peu d’écho. L’un des argumens qu’on a opposés à cette proposition est le suivant : si on facilitait les négociations de titres, on provoquerait certainement des offres de fonds allemands des anciens types, que les porteurs réaliseraient afin de souscrire à l’emprunt nouveau. Cette précaution suffira-t-elle pour maintenir les cours ? L’Allemagne trouvera-t-elle chez elle les capitaux dont elle aura besoin ? C’est un point douteux. Les sociétés