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II

On sait le rôle considérable qui a été joué par les banques dans le développement économique de l’Allemagne. On prétend qu’en 1911, au moment d’Agadir, l’empereur Guillaume fit demander aux chefs de la communauté financière à Berlin s’ils étaient prêts à la guerre : la réponse aurait été négative. La chose n’a rien d’invraisemblable. En tout cas, depuis cette date, des efforts considérables ont été faits par nos ennemis pour préparer leur mobilisation économique, en même temps qu’ils développaient leur état militaire dans les proportions que l’on connaît. Les uns comme les autres auraient dû nous ouvrir les yeux.

C’est par l’organe de la Banque de l’Empire que les financiers ont reçu des avertissemens. Le président de cet établissement, dont le capital est la propriété d’actionnaires privés, mais dont la gestion est entre les mains du gouvernement, a fait savoir aux banques particulières qu’elles eussent à restreindre les crédits accordés au commerce et à l’industrie, à surveiller leur portefeuille, à ne pas compter exclusivement sur l’institution centrale pour le réescompte des traites. Ces conseils étaient d’autant plus opportuns que la place de Berlin se voyait peu à peu retirer les capitaux français qui, pendant plusieurs années, s’étaient employés en Allemagne, attirés par des taux d’intérêt relativement élevés, et qu’elle devait s’attendre à voir les dépôts du Trésor russe lui être retirés à la première alerte. Il lui restait, en matière d’argent étranger, celui qui lui était fourni par des banques suisses, dépositaires elles-mêmes de sommes importantes appartenant à des Français.

Pour mieux s’assurer que ses instructions seraient suivies, le président de la Reichsbank, M. Havenstein, obtint des banques la publication de leur situation tous les deux mois ; il se promettait de suivre ainsi de plus près les modifications survenues dans leur bilan. La grande préoccupation des dirigeans a été d’améliorer ce qu’ils appellent leur liquidité, c’est-à-dire la proportion des élémens immédiatement disponibles de l’actif par rapport aux engagemens. C’est aussi sur ce point qu’est dirigée l’attention publique. Les journaux économiques commentent à cet égard d’une façon minutieuse les chiffres publiés.