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qu’elles brisent les âmes, alors même que ces actions sont sans valeur au point de vue militaire.

Au reste, ce qui révolte la morale vulgaire est, au fond, conforme à la morale transcendante. Les Allemands, à la guerre, ont pour mission de punir. Ils exercent la vengeance divine, ils font expier à leurs ennemis le crime de leur résister. Que si, après qu’ils ont pris une ville, l’ennemi a l’insolence de la leur reprendre, il est juste que, dès que la chose sera possible, ils saccagent cette ville, tuent les habitans et brûlent les plus beaux monumens.

Etant donné ce problème : déchaîner le plus largement possible toutes les puissances du mal, il est clair que le peuple de culture supérieure est, mieux que tout autre, armé pour le résoudre. En effet, la science, où il excelle, offre le moyen de consacrer à la destruction et au mal toutes ces forces que la nature ne sait employer qu’à créer de la lumière, de la chaleur, de la vie et de la beauté. Le peuple-dieu allie donc le maximum de science au maximum de barbarie. La formule de son action peut être ainsi énoncée : la barbarie multipliée par la science.


Tel est le dernier mot de la fameuse doctrine désignée sous le nom de germanisme. Or, entre ces conséquences ultimes de la doctrine et les traits que présente la guerre actuelle, l’identité est évidente, Le problème qui se pose devant nous est donc résolu. Si, contre toute vraisemblance, la barbarie, chez les Allemands, coexiste avec la culture, si même elle apparaît, dans la guerre actuelle, comme liée à cette culture même, c’est que la culture allemande diffère profondément de ce que l’humanité entend par culture et civilisation. La civilisation humaine cherche à humaniser la guerre elle-même. La culture allemande tend à en accroître à l’infini, par la science, la brutalité primitive.

Tout ce qui est allemand doit être unique : les femmes, le Dieu, le vin, la loyauté. La guerre que nous font les Allemands frappe le monde d’horreur et d’épouvante, parce que c’est, dans toute la force du terme, « la manière allemande, die deutsche Art, la guerre allemande. »


En même temps qu’il fait cette étonnante constatation, le monde se demande avec anxiété quels pourront être, par la