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L’ALLEMAGNE ET LA GUERRE

LETTRE DE M. EMILE BOUTROUX

Je remercie bien sincèrement M. Emile Boutroux de la lettre qu’il a bien voulu m’écrire, et les lecteurs de la Revue s’associeront à ma gratitude, car la lettre s’adresse aussi à eux. Nul ne pouvait parler de l’Allemagne avec plus d’autorité que M. Boutroux : nul en effet ne connaît mieux que lui celle d’hier et celle de maintenant et n’est mieux à même d’établir entre l’une et l’autre une comparaison qui est pour l’Allemagne prussianisée d’aujourd’hui un jugement et une condamnation. La violence, la brutalité, la barbarie dont elle nous donne l’effrayant spectacle jaillissent sans doute spontanément des instincts les plus profonds de la race ; mais l’homme éprouve toujours le besoin de justifier sa conduite, et les Allemands sont de trop grands philosophes pour n’avoir pas cherché la justification de la leur dans un système scientifique, où ces doctrinaires d’un nouveau genre ont trouvé un encouragement à y persévérer sans aucun mélange de scrupule ni de pitié. M. Boutroux nous explique, nous fait comprendre le détestable sophisme qui, après avoir perverti l’âme allemande tout entière, a fait d’une nation que nos grands-pères ont admirée et aimée une création contre nature et, dans le sens latin du mot, un monstre dont l’égoïsme implacable pèse lourdement sur le monde. Mais nous laissons la parole à M. Boutroux.

FRANCIS CHARMES.


A Monsieur le Directeur de la Revue des Deux Mondes.


Paris, 28 septembre 1914.

Monsieur le Directeur et. cher Confrère,

Vous me faites l’honneur de me demander si, ayant vécu en Allemagne, ayant étudié quelques parties de la philosophie et