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a-t-il télégraphié à M. le président de la République, je suis l’interprète de la nation belge tout entière. Nous gardons une confiance inébranlable dans le succès final de la lutte, et les cruautés abominables dont souffrent nos populations, loin de nous terroriser, comme on l’avait espéré, n’ont fait qu’accroître notre énergie et l’ardeur de nos troupes. » Après cela, l’Allemagne a pu se tenir pour instruite des sentimens de la Belgique : il ne lui aurait d’ailleurs pas fallu beaucoup de perspicacité pour l’être, même avant. L’Allemagne a mis la Belgique à sac, elle l’a couverte de ruines, de fumée et de sang, après quoi elle vient lui dire que, si elle y consent, ces brigandages ne compteront pas ! De compensation, de réparation, aucune. On demande seulement à la Belgique, qui s’est couverte de gloire en défendant son territoire, de se déshonorer en le livrant pour atteindre la France, amie dont les circonstances ont fait une alliée. Et l’Allemagne trouve cela tout naturel ! Éconduite du côté de la Belgique, elle s’est retournée du côté des États-Unis. Son ambassadeur à Washington a été chargé de sonder l’honnête président Wilson pour savoir s’il ne consentirait pas à jouer le rôle d’arbitre ou de médiateur entre les belligérans. M. Wilson a demandé, comme on dit aujourd’hui, des précisions, en d’autres termes les propositions que l’Allemagne serait disposée à faire. Sur ces entrefaites, l’Angleterre, la France et la Russie ont signé à Londres la Déclaration par laquelle elles s’engageaient à aller ensemble jusqu’au bout et à ne pas faire de paix séparée : tout en commun, la guerre et la paix. On a compris à Berlin, et on a répondu à M. Wilson que c’était aux alliés qu’il devait demander leurs propres propositions. M. Wilson a fort bien compris à son tour. Il a jugé que les ouvertures faites par l’Allemagne n’étaient pas sérieuses, que même elles étaient « puériles, » et il s’en est tenu là. Il est évident qu’un médiateur ou un arbitre serait aujourd’hui un personnage très inopportun entre l’Allemagne et les alliés : le moindre risque qu’il courrait serait de perdre son temps.

Nous avons, en effet, déjà dit un mot des dispositions de l’Angleterre, telles qu’on peut les induire du langage de la presse et de celui du gouvernement, et de ces deux langages, qui d’ailleurs sont identiques, l’un n’est pas beaucoup moins important que l’autre, car l’Angleterre est un pays d’opinion ; c’est celle-ci vraiment qui y règne. Tous les journaux anglais sont aujourd’hui pour la guerre. Cette unanimité n’existait pas au début ; mais, une fois l’Angleterre engagée, nul n’est d’avis qu’elle puisse reculer, ou atermoyer. Ceux mêmes, comme le Daily News, qui étaient partisans d’une politique d’entente