Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

afin de poursuivre à meilleur compte sa lutte contre les autres. La tentative ayant échoué, a été naturellement désavouée et démentie ; mais le fait qu’elle se soit produite n’est pas contestable : il y en a eu même deux, l’une auprès du gouvernement belge, l’autre auprès du gouvernement américain. Nous avons le regret de dire que la première s’est faite par l’intermédiaire d’un homme d’État belge important, M. Woeste, ministre d’État et l’un des principaux chefs du parti catholique, aujourd’hui et depuis si longtemps au pouvoir. M. Woeste n’a d’ailleurs pas été, dans ces derniers temps, toujours d’accord avec son parti, ni même avec le sentiment national : il s’est opposé notamment, avec opiniâtreté, aux réformes militaires qui devaient augmenter à la fois la durée du service militaire et la force de l’armée. L’honneur du gouvernement actuel et de son chef, M. de Broqueville, est d’avoir passé outre à ces résistances et on peut voir maintenant quel service ils ont par là rendu à leur pays. Quoi qu’il en soit, M. Woeste a écouté les propositions du maréchal von der Goltz, qui est aujourd’hui pour l’Allemagne, — c’est-à-dire pour peu de temps, — gouverneur de la Belgique, et s’est chargé de les transmettre en haut heu. Il y a été mal accueilli, et l’affaire n’a pas eu de suites.

Les Allemands ne doutent de rien, lorsqu’il s’agit de leur intérêt, auquel ils croient trop aisément que tout le monde voudra bien aider : ils proposaient donc de rendre aux autorités belges l’exercice de leurs fonctions, à la condition que le libre passage serait assuré à l’armée allemande jusqu’à la frontière française. Dans ce livre sur la politique allemande dont il est rendu compte dans une autre partie de la Revue, l’auteur, M. de Bülow, raconte qu’il a entendu le prince de Bismarck dire un jour : « Si M. X… propose quelque chose qui soit utile pour lui, mais nuisible pour vous, ce n’est pas bête de sa part : mais c’est une stupidité de la vôtre d’y consentir. » Observation pleine de sens ! Ce n’est pas bête de la part du maréchal von der Goltz d’avoir fait au gouvernement belge la proposition que nous venons d’indiquer, mais Bismarck a dit d’avance ce qu’il aurait fallu penser de son acceptation. L’Allemagne avait cru que, lasse d’une guerre qui lui avait coûté si cher, la Belgique consentirait volontiers à liquider l’opération telle quelle : elle ne connaissait pas le caractère de cet héroïque pays. Le roi Albert, si digne de la nation sur laquelle il règne, a saisi la première occasion de manifester ses sentimens : il l’a trouvée dans la victoire récente que les armées alliées ont remportée sur la Marne. « En vous adressant mes plus chaleureuses félicitations,