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Canons dont ce matin la bruyante allégresse
Sonnait sur les pavés des routes de Paris,
Qui, bondissans, courbiez votre élégant col gris
Pour répondre aux saints d’une fervente ivresse !

Le peuple vous suivait de sa rude tendresse ;
Il vous jetait des fleurs, des baisers et des cris ;
Vous étiez triomphans sur vos essieux fleuris ;
Les fleurs vous recouvraient comme d’une caresse !

Canons français, canons énergiques et beaux !
Puissiez-vous tous creuser, labourer des tombeaux
Assez longs et profonds pour qu’à jamais y dorme,

Sans espoir de réveil, le noir colosse énorme,
Et que de sa hideur et que de nos douleurs
Germe, au prochain printemps, une moisson de fleurs !



Comment parler de vous, saint et suprême Bien,
Présence de Jésus vivant, divine Hostie,
Sur des cœurs palpitans secrètement blottie,
Vrai refuge assuré contre la mort qui vient ?

Il s’émeut, le soldat si jeune, sans soutien
Dans l’ouragan de feu qui l’enveloppe ; il prie ;
Et voici qu’à son cœur une voix attendrie
Murmure : « Je suis là, mon enfant, ne crains rien ?

« C’est moi qui suis la foi, l’amour et l’espérance,
« Qui donne la victoire et permets la souffrance ;
« Je t’aime et Je suis là. Ne crains pas de mourir.

« Je t’aime ; J’ai versé tout mon sang pour ton âme ;
« Vois au ciel qui t’attend, dans la gloire et la flamme,
« Mes bras crucifiés ouverts pour te bénir. »