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s’exacerbait contre Rome ; la France inaugurait certaines allures qui inspiraient de graves appréhensions. En face de ces hostilités ou de ces menaces s’était assis sur la Chaire de Pierre un Pontife qui s’évertuait à renouer les liens brisés, à épier et à interroger, par delà la mauvaise volonté de certains gouvernemens, la bonne volonté des peuples. L’un des premiers serviteurs vers qui ses regards se tournèrent fut Mgr Ferrata, auditeur de la nonciature de Paris.

Léon XIII manda Mgr Ferrata et mit sur ses épaules un lourd fardeau : il s’agissait d’aller en Suisse à titre privé, d’ausculter l’opinion, de l’orienter ou de la transformer. Mgr Ferrata fit quatre voyages, et rapporta la paix. Lorsque Rome, peu d’années après, sentit le moment venu de rétablir les relations avec la Belgique, ce fut à Mgr Ferrata que songea Léon XIII. Installé dans la nonciature de Bruxelles, l’habile diplomate sut aplanir les suprêmes difficultés, écarter les périls auxquels une politique d’intransigeance pouvait exposer le parti catholique, et consolider ainsi les assises de ce parti, devenu majorité. La libération des catholiques suisses, la prépondérance des catholiques belges, furent les conséquences immédiates ou lointaines de son travail diplomatique. A son arrivée dans les deux pays, il avait trouvé des décombres : il ne les quitta, l’un et l’autre, qu’après avoir fait œuvre de construction.

La nonciature de Paris lui réservait une tâche moins décisive et peut-être plus ingrate : il l’accepta telle quelle, et la remplit avec espoir et courage. C’était l’époque où la proclamation de l’ « esprit nouveau » par le ministre Spuller apparaissait comme une réponse, timide encore mais déjà souriante, aux premières avances de Léon XIII : Mgr Ferrata put enregistrer ce discours ministériel comme un premier succès de la politique de « ralliement. » En France comme en Belgique, en Belgique comme en Suisse, c’était en effet sa maxime et son but, de chercher à créer dans l’opinion publique un certain état d’esprit qui faciliterait l’entente avec l’Eglise : il avait confiance qu’une fois cet esprit créé, les difficultés juridiques ou politiques opposées à cette entente s’atténueraient ou s’effaceraient. Léon XIII encourageait cette attitude qui, sans rien sacrifier des droits de l’Église, essayait, tout d’abord, de préparer l’harmonie des bonnes volontés. L’harmonie, sans doute, est parfois difficile à réaliser ; mais, n’est-ce pas l’avoir accomplie plus qu’à demi que