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que l’État se mêle d’exploiter des lignes de navigation et de faciliter à certains négocians l’exportation de leurs produits ? S’il intervenait, il devrait le faire pour tous les citoyens et non pas seulement pour certaines classes privilégiées.

Le 18 août, le Congrès a voté une loi qui rompt avec une idée passée depuis plus d’un siècle à l’état de dogme à Washington : celle de ne pas permettre aux bâtimens construits à l’étranger de passer sous pavillon américain. Cela est désormais possible. L’acquisition de navires par le gouvernement fédéral soulève des questions délicates au point de vue de la neutralité : c’est pourquoi certains membres du Congrès ont proposé que cette flotte se bornât à naviguer entre les deux Amériques.

En attendant la reprise régulière des exportations, une partie de la presse américaine jette un cri d’alarme à propos des sorties d’or. Elle attire l’attention sur le fait que l’encaisse des banques a rapidement diminué au cours des mois de juin et juillet. La Financial and Commercial Chronicle déclare qu’à une époque où les principales nations de l’Europe ont, en fait, suspendu les paiemens en or, les Etats-Unis ne peuvent pas continuer à laisser le métal jaune quitter le pays et à le remplacer par des billets. Elle s’étonne qu’un banquier aussi avisé que M. Schiff (de la maison Kuhn Loeb et Cie), ait conseillé d’autoriser les banques à compter comme réserve légale les billets des autres banques qu’elles ont en caisse. Le président du Comité parlementaire de la Banque et de la circulation, M. Carter Glass, a vigoureusement combattu cette idée, en montrant qu’il suffisait que deux banques s’entendissent entre elles pour émettre des millions de papier, et se le remissent réciproquement, pour augmenter leurs réserves d’une façon apparente, mais non réelle.

La partie la plus sérieuse de l’opinion publique américaine est opposée aux mesures qu’on réclame de divers côtés pour venir en aide à quelques industries. Le Sénat a voté l’achat de 15 millions d’onces d’argent, dont le Trésor n’a que faire, et qui coûteraient environ 8 millions de dollars. Ailleurs on demande que la Trésorerie emmagasine le coton et fasse des avances aux producteurs. Tout ce paternalisme aurait pour résultat d’enfler prodigieusement la circulation fiduciaire et de compromettre la solidité de l’étalon d’or.