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jetaient leur odeur et nous berçaient de leur bruit mélancolique. Sinigaglia, jolie ville commerçante, une fois laissée derrière nous, nous découvrîmes bientôt Ancône qui, vue de ce côté, parait bien située et bien bâtie. Ici encore, la Reine devait loger au palais Leuchtenberg ; M. Bendoni, qui gère ce palais, et le général Armandi l’attendaient à l’arrivée. Elle a reçu aussi son neveu Camerata ; cette visite était un nouvel et cruel assaut qui la rappelait au sentiment de ses douleurs. Peu après, le comte a fait conduire au palais par une gouvernante, son fils, bambin de cinq ans, joli à ravir dans son petit habit de garde national. Comme les autres petits-neveux de l’empereur, cet enfant a le type des Bonaparte au plus haut degré.

Le Prince fut tout de suite voir l’état des défenses de la place. Une quantité de canons traînaient sans affût ; on s’occupait à peine de les monter, chose que les longues tergiversations des Autrichiens auraient cependant permis de faire plus tôt.

Le général Zucchi venait de faire connaître que, la position de Cattolica ne pouvant être défendue, il se retirait dans la direction de Pesaro. Quelques heures plus tard, arrivait la nouvelle d’un combat qui venait de se livrer à Rimini et qui ne pouvait plus être qu’une échauffourée sans conséquence, puisqu’enfin Cattolica était évacuée. Au contraire, un courrier de Sercognani apportait un message plein d’espérances.

Des voiles tricolores avaient été vues dans la Méditerranée ! Deux frégates étaient arrivées à Civita-Vecchia ! On ne savait pas au juste de combien d’hommes elles étaient chargées ni ce qu’elles venaient faire, mais sûrement c’était un secours que la France envoyait !

Malheureusement, les journaux de Paris reçus à Ancône le jour même démentaient ces espoirs chimériques. Ils confirmaient le fait de l’intervention autrichienne annoncée dès le 7 mars aux sujets du Pape par le cardinal Bernetti.

Ils publiaient le traité conclu le 3 mars entre la cour de Rome et celle de Vienne. 20 000 Autrichiens allaient occuper les Légations et la Marche d’Ancône ; ce nombre pourrait même être augmenté si les circonstances l’exigeaient. Le texte de cette convention étant reproduit sans commentaires, il devenait évident que le gouvernement de Paris en avait eu pleine connaissance et que rien ne pourrait désormais le tirer de son silence et de son immobilité.