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sa veste ; il devra les brûler ou les détruire s’il tombe par mégarde aux mains des Autrichiens.

La communication avec eux une fois assurée de la sorte, reste l’affaire du passeport. La Reine sait qu’elle a peu à attendre des chancelleries, surtout depuis que les princes ont quitté l’avant-garde de Terni et qu’ils n’ont plus dans les mains, pour se faire craindre, la petite force dont ils disposaient. Le froid Gortchakof est venu la voir l’autre jour et l’a beaucoup questionnée sur Armandi. Une heure après, elle recevait une lettre tout ouverte, qui avait mis une semaine à lui parvenir, et que Gortchakof avait dû lire comme les autres.

Armandi écrivait en réponse aux lettres apportées par le courrier du roi Louis ; il rendait compte de la prise d’Ancône, de l’enthousiasme qui régnait parmi ses troupes et s’excusait de n’avoir pas fait connaître plus tôt à la Reine le plan insurrectionnel ; mais les fureurs du duc de Modène avaient précipité tous les événemens. Il l’invitait à venir à Ancône respirer un air que les diplomates russes n’aiment guère : l’air de la liberté.

Depuis sa visita, Gortchakof n’avait plus reparu, et, bien que la Reine ne le crût pas hostile, elle était décidée à ne lui rien demander. Le ministre de Suède, vieux brave homme à points sur les i, pouvait nous être favorable, sa souveraine étant la sœur de la reine Julie ; mais la Reine, en le sondant, avait rencontré une résistance et n’avait pas insisté. Depuis, une indiscrétion du roi Louis avait éventé cette affaire, et il valait mieux en somme qu’elle n’eût pas réussi. N’avait-il pas répandu dans la ville el ne nous avait-on pas partout répété qu’il dormait maintenant tranquille, parce que ses fils allaient avoir des passeports suédois ?

Retombé dans l’inquiétude et dans l’insomnie, il avait sollicité depuis auprès du ministre de Piémont des passeports qui permissent à ses enfans de gagner la Suisse et s’était heurté à un nouveau refus. M. Sarow, ministre autrichien, avait dit à ce propos que les Princes ne seraient plus désormais « en sûreté en Suisse, » ce qui pouvait se comprendre, soit comme un avertissement charitable de sa part, soit comme l’indice de dispositions hostiles de la part de sa cour. Enfin le chargé d’affaires de France était ici comme partout le plus indifférent de tous et le plus étranger.

Ainsi, le seul recours que la Reine pût espérer était dans le