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avec son époux, elle en prit acte en adressant elle-même au colonel Armandi une lettre qui partit par le même courrier.

Le colonel vient d’être fait ministre de la guerre par le gouvernement provisoire réuni à Bologne le 26 février. Il est maître d’Ancône. Il commande toutes les forces de l’insurrection. Ancien précepteur du prince Napoléon, il a gardé avec son élève les meilleurs rapports et tout le prestige de sa première autorité. Son dévouement aux Bonaparte est certain. Officier d’artillerie, il a servi jusqu’en 1814 sous le prince Eugène, et conduit à l’empereur un corps de volontaires italiens pendant les Cent-Jours. Le prince Jérôme, après le prince Napoléon, devint son élève au moment où les Montfort s’établirent à Rome. Il resta dans leur maison comme chargé des travaux exécutés pour Jérôme à la villa des Marches (il avait acheté ce domaine pour se rapprocher de sa passion, la marquise Azzolini). Enfin, le colonel Armandi était en dernier lieu intendant d’un bien que la Reine a dans la province d’Ancône, à Monsanvita, et il recevait d’elle des appointemens.

Sur la démarche faite auprès de lui et dans l’attente de ce qu’il pourra répondre, la Reine a pris la résolution ferme, lundi matin, de demeurer quelque temps à Florence. Elle a décidé aussi de quitter l’auberge pour l’appartement que je lui ai enfin découvert à l’autre extrémité de la ville, et qui, quoique un peu loin du centre, est tout baigné d’un soleil merveilleux.

Nous nous y sommes installés aujourd’hui, jour de grand brouhaha, et tout de suite sur un pied d’ordre et d’économie. Il faut en finir une fois avec ce désordre dans les finances qu’un provisoire perpétuel ne fait qu’aggraver. J’ai maintenant la direction de tout, besogne difficile avec des domestiques tellement habitués à se croire les maîtres et à jeter l’argent par les fenêtres. A peine, cependant, venais-je de me montrer à eux dans ma grande rigueur, qu’un incident fâcheux m’a émue jusqu’aux larmes. Nous sortions pour dîner chez la reine Julie ; un rassemblement de monde autour d’une grosse voiture nous a barré le chemin. Nous avons reconnu notre fourgon qui arrivait de Rome. Fritz, descendu de notre siège pour aller y voir, est revenu nous dire que le postillon florentin venait de tomber sous son cheval, et qu’il avait la jambe cassée. Notre voiture a transporté tout de suite le pauvre homme à la maison, où on l’a soigné et mis dans son lit.