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L’ALSACE-LORRAINE ET L’ALLEMAGNE.

par le comte d’Anjou Foulque Nerra, au nom de Guillaume d’Aquitaine. Guillaume demande au roi d’agir sur les ducs de Lorraine (comme sur ses fidèles) pour qu’ils le soutiennent dans sa lutte contre Conrad l’Ancien, auquel il disputait pour son fils le royaume d’Italie.

Pour avoir raison de Conrad en Lorraine, Robert devait à la fois réduire les seigneurs lorrains qui restaient fidèles au roi de Germanie, et prêter main-forte à ses propres partisans.

Il commence par s’assurer le concours d’Eudes II en se réconciliant avec ce puissant vassal, puis il pénètre en Lorraine afin de réduire Cambrai, dont l’évêque Gérard était douteux, et Metz, dont l’évêque Thierry était rallié à Conrad. Gérard paraît s’être soumis, mais Metz résista et Robert dut se replier sans l’avoir pris (juillet-août 1025.) Deux événemens graves suivirent cet échec et paralysèrent le roi. La mort de son fils Hugues (7 septembre 1025) le plongea dans une sorte de prostration morale, et Guillaume d’Aquitaine ne put se maintenir en Italie. Abandonnés à eux-mêmes et trop faibles pour résister seuls, les ducs de Lorraine se virent réduits à faire la paix avec Conrad, mais Robert se garda bien de ratifier leur soumission. Malgré les efforts de Conrad pour négocier une entente, il demeura inébranlable dans une hostilité qui se prolongea jusqu’à sa mort.

Si le roi de France Henri Ier se départit momentanément de l’attitude de son père, on se tromperait du tout au tout en lui prêtant une renonciation quelconque aux droits du royaume de France sur la Lorraine. Par la paix qu’il conclut avec Conrad II à Deville-sur-Meuse en mai 1033 (paix qui fut, du reste, un acte de désastreuse politique, suggéré par la guerre que la reine-mère Constance lui avait faite avec l’appui d’Eudes II), il s’engageait seulement à ne pas seconder son vassal Eudes dans ses revendications sur la Bourgogne ou la Lorraine. De fait, il observa la neutralité quand Eudes, évincé en Bourgogne, se jeta sur la Lorraine et s’attaqua au duc Gozelon, qui devait lui infliger la mortelle défaite de Bar (1037.)

La preuve que Henri Ier n’avait jamais entendu abandonner les droits de la couronne sur les pays revendiqués par le comte de Chartres, en qui il voyait non un vassal, mais un rival, c’est que dix ans plus tard, tirant parti du départ de Henri III pour l’Italie, il marche droit à la capitale de la Lorraine et, selon les