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et de l’Autriche ne peut plus s’appeler que la Duplice. « Tout le reste, dit encore M. de Bülow, dépendra de la façon dont se posera éventuellement une cause de conflit. » La cause de conflit qu’on a posée est précisément celle qui, en mettant en opposition directe ses intérêts et ceux de ses partenaires, devait inspirer à l’Italie le désir de reprendre sa liberté, en même temps qu’elle lui en donnait le droit.

Au surplus, ce n’est pas en Allemagne qu’on pourrait, en tout état de cause, s’étonner et encore moins s’indigner de voir un pays se dégager d’une obligation ancienne sous le coup d’un intérêt immédiat et puissant. Le prince de Bismarck, avec l’indépendance de son esprit sans scrupules, a établi en pareille matière la doctrine dont s’inspirent après lui ses successeurs : on vient de le voir à propos de la neutralité belge. « L’observation des traités entre les grands Etats, a-t-il dit dans ses Pensées et souvenirs, n’est que conditionnelle dès que la lutte pour la vie la met à l’épreuve. Il n’est pas de grande nation qui consente jamais à sacrifier son existence à la foi des traités, si elle est mise en demeure de choisir. Le proverbe ultra passe nemo obligatur ne peut jamais perdre ses droits par la clause d’un traité ; il est de même impossible de fixer par contrat la mesure de l’intervention et les forces exigibles pour l’exécution du traité, dès que l’exécuteur ne trouve plus son intérêt dans le texte qu’il a signé ni dans l’interprétation première de ce texte. » M. de Bülow parle quelque part du « riche trésor de notions politiques » que Bismarck a léguées à l’Allemagne : voilà sans doute une de ces notions et une des plus utiles. M. de Bülow, qui la connaît, ne peut guère parler aux Italiens du respect dû aux traités. Il est en ce moment parmi eux et nous voyons dans les journaux qu’il se donne beaucoup de peine pour les ramener par la persuasion dans le giron de la Triple-Alliance, mais il se contente sagement d’invoquer leur intérêt. Les Italiens, jusqu’ici, ne le comprennent pas comme lui ; il ne les a pas encore convaincus.

Nous avons annoncé que nous ne parlerions pas aujourd’hui de la seconde partie du livre de M. de Bülow : il y traite de la politique intérieure de l’Allemagne. Il faut cependant dire un mot du chapitre qu’il consacre à la Pologne parce que, dans les circonstances présentes, ce chapitre se rattache étroitement à la diplomatie et à la guerre. Le prince de Bülow, pendant qu’il