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Les capitaux au moyen desquels les banques ont acquis leur portefeuille sont, pour la majeure partie, constitués par des dépôts à vue, en sorte que, malgré la brièveté relative du délai dans lequel les effets de portefeuille viennent à échéance, il n’y a pas concordance entre les exigibilités et les disponibilités. C’est ici qu’intervient un facteur essentiel de notre système financier : la Banque de France. Celle-ci a la faculté de créer des billets qui ont le caractère de monnaie et, grâce à ce pouvoir, fournit aux autres banques, lorsqu’elles en ont besoin, un moyen de paiement immédiat. Pour cela, elle leur reprend tout ou partie de leurs effets, qu’elle place dans son propre portefeuille, et qu’elle encaissera à l’échéance ; elle les échange contre des billets que les banques remettent à leurs déposans, et au moyen desquels elles se libèrent vis-à-vis de ces derniers. Ils auraient le droit, à leur tour, de venir présenter ces billets à la Banque de France, et d’en exiger le remboursement en espèces sonnantes et trébuchantes ; mais, en temps ordinaire, ils ne s’en soucient pas, et, aux époques exceptionnelles, le législateur dispense la Banque de cette obligation.

Il résulte des explications qui précèdent que tout notre édifice bancaire repose, en dernière analyse, sur la Banque de France. C’est ce que confessait le président du plus important de nos établissemens de crédit, M. Henri Germain, qui, pendant la dernière partie de sa vie, n’a cessé de s’appliquer à rendre la situation du Crédit Lyonnais aussi forte et aussi liquide que possible, mais qui répétait : « Nous sommes prêts à tout événement, à condition que la Banque de France soit toujours là. » Certes, il n’y a pas d’emploi plus judicieux des ressources d’une banque que l’escompte du papier de commerce : c’est par là qu’elle distribue le crédit aux industriels et aux négocians qui en ont besoin, et qu’elle contribue à développer les transactions dans le pays. Toutefois, si les banques étaient isolées, réduites à ne compter que sur leurs propres moyens, elles devraient ou bien n’accepter que des dépôts à échéance aussi éloignée que celle des traites qu’elles mettent en portefeuille, ou bien n’employer à l’escompte que leurs capitaux propres, c’est-à-dire le montant des sommes versées par les actionnaires ou mises en réserve. C’est pour elles un avantage immense que d’avoir à côté, ou plutôt au-dessus d’elles, un établissement central qui peut, à tout moment, transformer leurs créances à terme en un moyen de