Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

unies jusqu’à la fin. La guerre sera commune, la victoire le sera aussi. En un mot, c’est une alliance. Avec la Russie, nous en avions déjà une, mais ni la Russie, ni nous n’en avions avec l’Angleterre : cette omission est réparée. Nous avons cette fois partie liée autant que partie peut l’être. Si l’Allemagne a pu croire qu’un des trois alliés se lasserait de la guerre avant les autres, soit parce qu’elle serait particulièrement lourde pour lui, soit parce qu’il se laisserait séduire aux promesses qu’on pourrait lui faîre, aux avantages qu’on pourrait lui consentir, cette illusion se dissipe. Nous sommes un bloc indissoluble. Si elle ne détruit pas la Russie, l’Angleterre et la France, l’Allemagne sera détruite par elles. L’alternative est impérieusement posée.

Il y a dans tous les pays des alarmistes, qui obéissent quelquefois, sans même le savoir, à des suggestions venues du dehors et qui, à chaque échec partiel, s’appliquent à semer le découragement autour d’eux : pour éviter la défaite, ils sont tout prêts à en accepter, à en subir tout de suite les conséquences. Il y en a chez nous comme ailleurs, comme partout, mais, grâce à Dieu ! ils y sont rares, leur voix n’est pas entendue, ils n’ont aucune influence sur l’opinion. C’est surtout dans le monde des politiciens professionnels qu’on a pu, ces jours derniers, en découvrir quelques-uns, et personne n’en sera surpris, car on connaît cette engeance qui représente officiellement le pays et à laquelle le pays ressemble si peu. Le gouvernement, usant de son droit, a déclaré close la session parlementaire de 1914 : cette précaution n’était sans doute pas inutile. Le gouvernement reste ainsi le seul maître de l’heure où il jugera à propos de réunir de nouveau les Chambres. Bien que la Déclaration de Londres n’ait pas eu pour objet principal de répondre aux alarmistes, eux aussi l’auront entendue et ils sauront désormais que les trois alliés, fermement résolus à ne pas se séparer les uns des autres, iront jusqu’à l’extrême limite de leurs forces pour abattre l’ennemi commun. Mais c’est le petit côté de l’affaire, le grand côté est ailleurs. Avons-nous besoin de dire combien nous sommes heureux que l’Angleterre soit enfin sortie des réserves où elle s’était enfermée jusqu’ici, pour contracter enfin une alliance de guerre avec la Russie et avec nous ? Il y a depuis longtemps de l’autre côté du détroit, et en grand nombre, des hommes instruits, intelligens, perspicaces, prévoyans, fidèles aux vieilles traditions de leur pays, qui se rendaient fort bien compte de la solidarité qui unit les intérêts des trois pays, et même ceux de quelques autres encore, en face de l’ambition illimitée de l’Allemagne. Si l’alliance n’avait tenu qu’à eux, ils l’auraient faite sans plus tarder. Mais il y a aussi, en