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marche des deux puissances germaniques. Elles y ont répondu en alléguant qu’elles ne pouvaient rester plus longtemps inactives et, pour prévenir l’intervention de la Diète allemande, elles vont entrer elles-mêmes dans le Schleswig et l’occuper à titre de gage afin de contraindre le Danemark à remplir ses obligations et d’écarter les chances d’un conflit entre ce pays et la Confédération. Vainement, la France a fait observer que l’intervention des deux Puissances offrait le même danger que celle de la Diète et que d’ailleurs la possession du Holstein était déjà entre les mains des Etats confédérés un gage suffisant, Vienne et Berlin n’ont rien voulu entendre. Leurs armées sont entrées dans le Schleswig, le sang a coulé et la guerre continue.

« C’est en vain que les deux Cabinets reconnaissent le principe de l’intégrité établi par le traité de 1852, on peut craindre que les vainqueurs ne soient exposés à subir des entraînemens. Dans cette circonstance, le gouvernement impérial ne saurait voir avec indifférence un peuple de deux millions d’âmes aux prises avec deux des plus grands Etats de l’Europe et consent d’avance à toute démarche propre à arrêter l’effusion du sang. »

Voilà certes qui témoigne d’intentions excellentes. Mais les intentions ne suffisent pas toujours et l’expression de celles du Cabinet des Tuileries ne pouvait être que platonique envers des gens résolus à ne pas se laisser arrêter en chemin par de vagues paroles. Pour leur donner toute l’autorité qu’elles devaient avoir, il aurait fallu se montrer prêt à les appuyer d’une action effective. Cette action, si elle avait été annoncée dès le début de la crise, aurait eu sans doute d’heureux résultats sans qu’il fût nécessaire d’y donner suite. Il y a eu là une faute initiale qui reste à la charge du gouvernement impérial, bien que, à mon avis, d’autres en soient responsables au même degré que lui : ceux qui pouvaient intervenir avaient, volontairement ou non, fait le jeu de la Prusse. Les conséquences ont été ce que l’on sait. La guerre de 1866 a été fatale à l’Autriche ; celle de 1870 l’a été à la France et pèse encore sur elle.

En présence de ces résultats, est-il possible de nier les fautes du gouvernement français, durant la période qui les a préparés ? On ne peut contester davantage qu’il aurait pu les empêcher, non plus peut-être en 1866, mais en 1864, lorsque existait encore plus d’un moyen d’empêcher la Prusse de s’approprier les duchés de l’Elbe. En laissant à la Prusse la liberté