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se dénouer la querelle ouverte depuis Frédéric et Marie-Thérèse pour la domination en Allemagne. » La prise de possession des duchés de l’Elbe est un premier pas vers le but qu’il poursuit. Lorsqu’il associe l’Autriche à cette conquête en commençant à la partager avec elle, c’est dans le dessein de lui disputer bientôt la part qu’il lui en laisse et de faire surgir de leur rivalité une cause de guerre. Au milieu des obstacles qui de tous côtés s’élèvent autour de lui, il ne doute pas qu’il arrivera à ses fins, obtiendra la victoire et réalisera ainsi les ambitions qu’il a conçues pour la grandeur de son pays. Mais son projet n’est qu’un acheminement vers un autre objet. L’Empire allemand reconstitué au profit de la Prusse, il couronnera son œuvre en vengeant sa patrie de la défaite d’Iéna et des humiliations de Tilsitt. Rappeler cet état d’âme de Bismarck, qui, plus ou moins avoué, fut aussi celui de plusieurs de ses compatriotes militaires et civils, c’est mettre en lumière une des causes immédiates de l’événement de 1870.

Mais il y a aussi les causes lointaines, c’est-à-dire les vieilles préventions de la Prusse contre notre pays, auxquelles j’ai fait allusion et qui l’ont rendue plus sensible aux défaites que nous lui avons infligées qu’aux victoires qu’elle a remportées sur nous. Ici, et sans remonter plus haut que la Révolution, les preuves abondent. Lorsqu’on 1792, la guerre éclate entre l’Autriche et la République française, le roi de Prusse se hâte de faire cause commune avec l’Empereur et de cette campagne il ne conservera que l’humiliant souvenir de Valmy. En 1795, il se détache de la coalition, mais à contre-cœur, et parce que les revers des alliés ont épuisé ses ressources. L’ambassadeur de la République, Barthélémy, qui négocia cette paix, constate qu’elle fut de la part du monarque prussien un aveu d’impuissance et déclare expressément dans ses Mémoires que ce prince ne s’y décida que parce qu’il ne pouvait plus continuer la guerre. Comment donc ne pas voir une part de comédie dans les manifestations auxquelles il se livre, la paix une fois conclue, pour faire croire que c’est de bon cœur qu’il a déserté la coalition et encouru les reproches de ses alliés d’hier abandonnés par lui ? En signant le traité qui le réconcilie avec la France, il nourrit le secret espoir de reprendre ultérieurement les armes contre elle.

En 1800, à la requête de Talleyrand, il s’entremet pour