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de ce désastre, l’honneur ne nous permettrait pas de reculer. Mais ce que la Belgique a si bien commencé, la France et l’Angleterre l’achèveront. Elles chasseront l’ennemi en déroute vers l’Allemagne et notre honneur non seulement sera sauf, mais notre nom sera à jamais glorieux. Repoussons ces propositions insultantes et laissons la question se décider par les armes ! » C’est le langage d’un grand roi ! Aussi le gouvernement français a-t-il tenu à conférer au roi des Belges la médaille militaire, suprême récompense des généraux français quand on a épuisé à leur égard toutes les distinctions dont leur vaillance est digne. Il a également donné à l’héroïque ville de Liège la croix de la Légion d’honneur qui figure dans les armoiries des villes de France qui ont fermé leurs portes à l’ennemi. Il n’avait pas à sa disposition de meilleure manière d’honorer chez un prince la noblesse et la fermeté des caractères et dans une ville héroïque l’intrépidité de ses défenseurs.

Le 4 août dernier, le chancelier de l’Empire allemand disait au Reichstag : « Nécessité ne connaît point de loi. Nos troupes ont occupé le Luxembourg et peut-être déjà la Belgique. Cela est contraire au droit des gens, mais nous savions que la France était prête à l’attaque et une attaque de notre aile gauche sur le Rhin inférieur eût pu nous être fatale. C’est ainsi que nous avons dû passer outre aux protestations justifiées du Luxembourg et de la Belgique. Nous réparerons ce tort dès que nous aurons atteint notre but. Quand on est menacé comme nous le sommes et lorsqu’on combat comme nous, pour le bien suprême, on s’en tire comme on peut ! » Le Reichstag a applaudi frénétiquement cet aveu inouï de la violation du droit des gens et de la parole donnée.

Aux protestations de la grande-duchesse Marie-Adélaïde contre l’envahissement du Luxembourg, M. de Bethmann-Hollweg avait déjà répondu : « Nos mesures militaires au Luxembourg ne doivent pas être interprétées dans le sens d’une action hostile au grand-duché, mais constituent uniquement des mesures prises dans le but d’assurer les lignes de chemins de fer que nous y exploitons contre une invasion française. Le Luxembourg sera entièrement indemnisé des dommages qui pourront être occasionnés. » Et M. de Jagow adressa, quelques heures après, ce télégramme au gouvernement luxembourgeois : « A notre grand regret, les mesures militaires qui ont été