Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerre, indépendamment de la plus visible de toutes, qui est la candidature Hohenzollern, c’est dans cette période qu’il les faut chercher.

D’autres toutefois, pour être d’un caractère différent, ne sont pas moins décisives. Mais, avant d’y regarder, il me parait utile de formuler une observation préliminaire. Les auteurs du rapport adressé au ministre des Affaires étrangères semblent s’attacher, en recherchant les origines de la guerre de 1870, à établir une différence entre ses origines diplomatiques et ses origines historiques. Cette différence existe-t-elle autant qu’ils paraissent le supposer et, dans la réalité, ces origines ne se confondent-elles pas ? Peut-on, en un mot, séparer les unes des autres ? Pour ma part, je ne le crois pas : c’est dans leur ensemble, je dirai même dans leur confusion ou, si l’on préfère, dans leur suite logique, que j’aperçois comme en un bloc les causes immédiates et les causes lointaines du conflit retentissant qui se dénoua par la défaite de nos armes. Il en est deux cependant qui dominent toutes les autres : en premier lieu, le ressentiment séculaire de la Prusse contre la France, qui la disposait à voir dans celle-ci une ennemie et une rivale que l’intérêt national commandait d’abattre ; puis la présence, du côté prussien, de l’homme d’Etat qui, dans les temps modernes, a incarné, avec le plus d’éclat et le plus de bonheur aussi, ce qu’on est convenu d’appeler le génie politique, bien que ce ne soit souvent que la résultante des faveurs de la fortune. Bismarck a résumé dans sa personne comme dans sa conduite toutes les jalousies, toutes les convoitises, toutes les haines de la Prusse. Patriote ardent, ambitieux de renommée, il a voulu passionnément la guerre, c’est lui-même qui nous en a fait l’aveu. Il n’y a vu que des avantages pour son pays. Au début du conflit allemand-danois, elle lui semblait déjà nécessaire, et il s’est efforcé de la rendre inévitable.

Voici plus de trente ans qu’un éminent diplomate, le regretté Rothan, le constatait dans ses belles études sur la politique française en 1866 : « On ne peut contester, disait-il, que le comte de Bismarck attachait le plus grand prix au conflit des duchés de l’Elbe, ni la peine qu’il s’est donnée de longue date pour diviser et pour paralyser les Puissances le plus directement intéressées au maintien de l’intégrité de la monarchie danoise et empêcher que celle-ci fût secourue. » Rien n’est plus vrai et,