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bref, toutes les inventions modernes, et l’on renforça les garnisons.

M. de Broqueville avait largement tenu compte des avertissemens du regretté général Langlois : « Si l’armée belge, avait dit ce remarquable officier, n’a que des forces insuffisantes, médiocrement pourvues en artillerie, elle risquera fort d’être coupée de la Meuse et d’Anvers. Son intervention sera platonique et inefficace. Anvers et les fortifications de la Meuse, ainsi que les millions engloutis dans ces places, auront été inutiles. La Belgique, amoindrie matériellement et moralement, perdra la sympathie des nations qui pourraient lui venir en aide, et il est fort à craindre que le vainqueur, dans la lutte franco-allemande, si c’est l’Allemagne, n’hésitera pas à la conquérir et à l’annexer. » C’est ce péril si urgent et si vrai que M. de Broqueville et le roi Albert ont prévu. Il convient de rendre ici un entier hommage au noble souverain des Belges qui a mis une indomptable énergie à faire triompher les réformes nécessaires à la défense de sa patrie. Le mérite lui revient d’avoir conseillé à son ministre le remaniement du ministère de la guerre, la réforme d’une administration paperassière, la création d’une autonomie intelligente qui a décentralisé les services et fait prédominer l’autorité du commandement sur l’autorité administrative. C’est lui qui a accru le rôle du chef d’état-major général et constitué un conseil supérieur de la guerre capable d’assurer l’harmonie des mesures d’exécution. Il a tenu à honneur de le présider lui-même. M. de Broqueville a fait remonter au roi l’honneur direct de cette politique. « Sans le roi, disait-il récemment, sans ses encouragemens, jamais je n’aurais osé me préparer à la guerre dès l’automne dernier, et travailler sans relâche à la défense des places. Nous sommes fiers d’un souverain qui, comme le roi Albert, a conscience de son devoir et qui le remplit dans toute son étendue avec tant de dignité, de droiture et d’élévation ! » L’Allemagne lui avait fait offrir, le mois dernier, par l’intermédiaire de la Hollande, à la condition du libre passage de ses troupes, d’assurer non seulement la sécurité de son territoire, mais son agrandissement après la guerre. Le Roi se refusa dignement à ce genre de pourparlers. « L’Angleterre, la France et la Russie, dit-il, ont pris l’engagement formel de nous soutenir dans la lutte que nous avons engagée. Dussent-elles être impuissantes à nous préserver