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second, crénelé, était haut de sept mètres et dominé par des tours de seize mètres ; le troisième, la muraille intérieure, avait vingt-deux mètres de hauteur ; de la Marmara à la Corne d’Or, vingt-sept tours le renforçaient. Un espace large de cinq mètres séparait l’enceinte intérieure de l’enceinte médiane, les historiens du siège l’appellent péribole intérieur ; là se tenaient les défenseurs et étaient placées les machines, les armes de jet, là furent mis en batterie les trop faibles canons que possédaient les Byzantins. Entre la muraille externe et la muraille médiane s’étendait un autre péribole, dit extérieur, qui constituait une première ligne de défense. En haut des tours et du rempart intérieur se tenaient seulement les archers et arbalétriers. Du rempart, on ne pouvait descendre dans la ville que par d’étroites poternes qui, pendant le combat, étaient verrouillées ; donc, pas de retraite pour les défenseurs, il fallait vaincre ou mourir. Pendant un assaut, on ne pouvait se battre que sur la muraille et dans les périboles ; dans un espace si resserré, le nombre était moins important que la valeur individuelle des soldats. Constantinople aurait peut-être, longtemps encore, bravé les fureurs des assaillans, si le Sultan n’avait réuni contre elle la plus formidable artillerie qui eût jusqu’alors fait son apparition dans l’histoire.

Un Hongrois nommé Orban [1], passé maître dans l’art de fondre les gros canons, avait mis ses talens au service du Basileus ; mais Constantin était pauvre, et surtout il était servi par de malhonnêtes fonctionnaires, qui détournèrent à leur profit une partie du traitement alloué à l’ingénieur hongrois, de même qu’ils gardèrent pour eux l’argent destiné à réparer les murailles ; Orban, mécontent, alla offrir ses services à Mahomet II qui lui donna plus d’or qu’il n’en souhaitait, pourvu qu’il lui assurât la supériorité en artillerie. Il fondit à Andrinople une pièce en bronze de dimensions colossales ; elle avait, dit-on, trois pieds de diamètre ; il fallut deux mois, des centaines de bœufs et une armée d’ouvriers, terrassiers, charpentiers pour la traîner jusqu’au pied des remparts de Constantinople et pour l’installer en face de l’un des points faibles du rempart ; elle ne pouvait tirer que sept fois par jour et une fois la nuit ; après chaque coup, on la couvrait d’épaisses étoffes de laine et

  1. Orban, Orbain ou Urbani ; il était Hongrois ou Valaque.