Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tière, et les avertissemens secrets venus de Londres et de Paris les ont amenés à prendre les précautions nécessaires pour résister à une brusque invasion. M. de Broqueville, président du Conseil des ministres belges, auquel ses compatriotes peuvent décerner tous les éloges et les plus grands honneurs en raison de sa perspicacité et de sa fermeté exceptionnelles, comprit mieux que personne la situation. Il osa dire publiquement qu’à l’étranger on estimait que la Belgique ne remplissait pas, dans la situation actuelle, tout son devoir, il s’écria : « Il faut donc agir ! » Et il agit. Le 13 février 1913, il exposa en comité secret à la Chambre les raisons pour lesquelles une réforme militaire lui paraissait indispensable. Malgré des oppositions bruyantes, il insista sur la nécessité absolue pour la Belgique de prendre toutes les mesures utiles à une défense énergique et efficace, et de voter le service militaire personnel. Le gouvernement belge était décidé à ne reculer devant aucun effort pour remplir ses devoirs. « Pour être forts au dedans comme pour imposer le respect au dehors, notre armée, disait-il, doit être aussi nombreuse que les circonstances l’exigent. C’est le plus sûr moyen d’éviter les désordres et la guerre. » Il présentait donc un projet de loi qui aboutit en mai 1913 et dont le but était de donner à la Belgique un effectif réel de 250 000 hommes, avec six divisions siégeant à Gand, Anvers, Liège, Namur, Mons et Bruxelles.

Le comité central de l’Union des sociétés pour la défense nationale, présidé par le général Ducarne, et le général de Heusch soutinrent énergiquement le projet et firent dans tout le pays une campagne à fond qui atteignit ses résultats. Les résistances du début disparurent : l’intérêt du pays et de sa défense prévalut.

Chaque citoyen se prépara à remplir son devoir et, à l’étonnement de quelques-uns, on vit bientôt que l’armée belge, bien formée, bien disciplinée, bien outillée, pourrait lutter contre les envahisseurs. Ce n’était pas l’opinion de Guillaume II qui, bien mal renseigné, disait au président Forrer lors des manœuvres suisses : « Vos soldats m’économiseront l’emploi de trois corps d’armée. Je n’en dirai pas autant de mon voisin du Nord. » Les places fortes d’Anvers, de Liège, de Namur où manquaient les approvisionnemens, où les défenses accessoires n’étaient pas toutes en place et où les routes d’accès semblaient insuffisantes, furent ravitaillées, réparées et solidifiées. On y installa de puissantes bouches à feu, l’éclairage électrique, le téléphone, des avions,