Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De cet ensemble de faits, il résulte que c’est du côté de la terre ferme qu’il faudrait faire porter l’attaque principale, après le débarquement d’un corps de siège qui descendrait dans l’une des baies très favorables du revers oriental de l’Istrie. Voilà donc une grosse opération en perspective, sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir.

Elle deviendrait naturellement plus facile si nous avions à la faire avec le concours des Italiens qui y ont, en somme, plus d’intérêt que nous, et dont les forces terrestres ne sont pas, comme les nôtres, engagées ailleurs.

Au surplus, il se pourrait que notre flotte et l’escadre anglaise fussent bientôt obligées de partager leur attention entre l’Adriatique et la mer Égée. Voici que les préparatifs belliqueux de la Turquie s’accentuent au point qu’il devient difficile de douter des intentions, hostiles à notre cause, que nourrit le cabinet dominé par Enver-Pacha et le parti Jeune-Turc. La flotte grecque s’apprête, renforcée de deux puissantes unités qui ne sont peut-être pas, malheureusement, tout à fait « au point. » De l’autre côté, la flotte russe de la mer Noire brûle d’agir. À l’entrée du Bosphore, comme à l’entrée des Dardanelles, il y aura quelque chose à faire pour qui se rappellera que ce n’est pas seulement par une attaque de front — du côté de la mer — qu’on peut venir à bout de puissantes batteries de côte installées dans un passage étroit où l’on a mouillé des torpilles !

Quoi qu’il en soit, la physionomie de la guerre maritime dans la Méditerranée peut fort bien, dans un avenir rapproché, prendre la physionomie que voici :

Blocus et attaque de la flotte autrichienne dans Pola.

Formation d’une flotte combinée anglo-franco-grecque dans la mer Égée ; formation, en même temps, d’un corps expéditionnaire emprunté aux contingens français encore disponibles dans l’Algérie-Tunisie, à la puissante garnison anglaise de Malte, à celle de Chypre, aux troupes d’Égypte et de l’Inde, enfin à l’armée grecque.

Et, cela fait, il y aura sans doute encore de beaux jours pour les opérations combinées entre forces navales de terre et de mer.


Contre-amiral Degouy.