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les belligérans était beaucoup plus forte : elle faisait avec eux, avant la guerre, plus de 10 milliards d’affaires, et 14 milliards avec les autres nations. Le pays qui expédie la plus grande quantité de marchandises à l’Europe est l’Amérique du Nord : les belligérans ont reçu d’elle, en 1912, pour 5 milliards de francs de plus qu’ils ne lui ont vendu.

En Angleterre, ni l’industrie, ni le commerce ne sont arrêtés. Toute la population valide n’est pas sous les armes. Elle continue à fabriquer et à vendre. La question est de savoir dans quelle mesure la demande de produits manufacturés va se maintenir. Après la guerre, les nations victorieuses auront de gros besoins et achèteront largement, tandis que les vaincus, obligés sans doute d’acquitter de lourdes indemnités, verront pour longtemps leur force économique affaiblie. C’est ce que l’ancien président, M. Taft, exprime dans un message qu’il adresse au peuple des Etats-Unis : « Le commerce du monde, dit-il, contribue beaucoup à la prospérité des nations ; son interruption implique de grandes souffrances pour elles, pour les neutres aussi bien que pour les belligérans. Les capitaux que les Européens ont placés par milliards aux États-Unis, au Canada, en Australie, dans l’Amérique du Sud, en Orient, doivent être retirés pour remplir les caisses des États engagés dans une lutte à mort. Les entreprises fondées à l’aide de ces capitaux seront atteintes et doivent renoncer à tout espoir de développement. »

Les Anglais se sont préoccupés de réglementer le commerce avec les belligérans. Tout trafic avec les ennemis est naturellement interdit. Mais on se plaint que les proclamations royales ne soient pas claires à cet égard. Celle du 12 août défend à toute personne ou société résidant ou commerçant sur les territoires soumis au Roi de fournir des marchandises à des ennemis, à des résidens ou négocians en territoire ennemi ou d’en recevoir d’eux ; d’envoyer aucun navire anglais aux ports ennemis ou de communiquer avec les dits ports ; de conclure aucun nouveau contrat d’assurance avec aucune des personnes ou sociétés ci-dessus désignées, de leur payer aucune somme du chef de dommages qui auraient pu leur être causés par les armées de la Grande-Bretagne ou de ses alliées. La proclamation autorise les transactions autres que celles qu’elle interdit expressément, à la condition qu’elles n’aient pas le caractère d’une « trahison. » L’Economist, dans son commentaire sur ces décisions, conclut