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ont pu aussi mettre en lumière la force du particularisme allemand et la nécessité où se trouvait Rome de le ménager. On a vu un nonce dire d’abord que l’encyclique Pascendi n’avait pas été écrite pour l’Allemagne ; plus tard, sur l’intervention des pouvoirs publics, les professeurs d’universités allemandes ont été dispensés de l’obligation de prêter le serment » antimoderniste. » Et quand une autre encyclique, celle du centenaire de saint Charles Borromée, où des expressions vives traitaient fort mal les réformateurs protestans, eut soulevé des tempêtes, il fut entendu, cette fois par une déclaration publique, sur des réclamations officielles, que l’encyclique borromienne n’existait pas pour l’Allemagne. Plus tard, enfin, tandis que le décret sur l’âge de la première communion excitait de l’émotion en France où il bouleversait les habitudes, l’Allemagne l’accueillait sans protestation, avec le ferme propos d’en tenir le compte qu’elle voudrait. Ainsi, sur plusieurs points, dans cette Allemagne à laquelle le Pape avait manifesté de la bienveillance, qui a paru obtenir souvent sous son pontificat un traitement de faveur, les directions de Pie X et la politique de Pie X rencontraient des résistances qui les arrêtaient.


« Nous déclarons que, dans l’exercice de notre pontificat, notre but unique est de tout restaurer dans le Christ, instaurare omnia in Christo. » Ainsi s’exprimait Pie X au lendemain de son élection, dans sa première encyclique, citant une parole de l’apôtre qu’il aimait à répéter. Avant d’être Pape, en effet, dans sa première lettre au clergé vénitien, il citait cette même parole et il professai qu’il ne fallait jamais « peser les jugemens ou discuter les ordres du Pape pour ne pas faire une injure directe à Jésus-Christ... La société est malade... L’unique refuge, l’unique remède, c’est le Pape. » Devenu le Pape, dans son humilité absolue, il n’a pas modifié sa conviction. Et c’est là en effet tout le programme, toute la signification de son pontificat.

Pontificat intransigeant et aussi pontificat réformateur. Il n’y a point là contradiction, s’il y a peut-être l’un de ces contrastes qui marquent le caractère du pontificat de Pie X. Il est nettement réformateur dans l’ordre purement ecclésiastique.