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qu’une maladresse diplomatique, divulguée au milieu de querelles misérables, ait suffi à amener la rupture de nos relations avec le Saint-Siège, qui nous était si préjudiciable. On se rappelle les considérations avec lesquelles a été faite la loi de séparation. Cette loi, préparée dans des intentions de guerre, améliorée trop faiblement par de courageuses initiatives et par les retours d’un rapporteur avisé, restait l’instrument qu’après des délais et des interventions dont on n’a pas perdu la mémoire, le Saint-Siège devait interdire aux catholiques français d’accepter. L’état de choses qui a suivi, avec l’admirable soumission des catholiques de France, leur généreux sacrifice des ressources matérielles que la loi leur laissait, rentre dans l’ordre de ces ensembles complexes et vastes, où le jugement de l’historien sent la nécessité de s’élever, comme cette détermination du pape, confirmée et complétée par d’autres, au-dessus des petites contingences. Pour juger les résultats de la politique religieuse de Pie X en France, il faut se placer peut-être à la hauteur où il s’est lui-même placé. Tous ne se sont pas élevés avec lui aussi haut ; l’Eglise de France s’est trouvée en butte à des attaques, exposée quelque temps aux coups d’une campagne de presse qui a été une triste page d’histoire romaine. Les intentions du Pape, qui s’en est aperçu, avaient été défigurées par des serviteurs compromettans. Ceux-ci n’avaient que trop compris le parti qu’ils pouvaient tirer de l’esprit de soumission inconditionné et sans réserves à l’égard de tout ce qui venait ou paraissait venir de Rome, auquel les circonstances avaient disposé les catholiques français. Cet esprit, assez différent de celui que montraient souvent d’autres catholiques, les évêques de France n’ont pas semblé faire beaucoup pour l’éclairer et le retenir.

L’histoire aura à tenir compte de responsabilités nombreuses et très diverses, si elle veut apprécier avec équité les conditions religieuses de la France sous le pontificat de Pie X. Les catholiques français ont subi les conséquences de la rupture des relations diplomatiques : ils ont paru quelquefois traités à Rome comme s’ils y avaient été pour quelque chose. Pie X, qui n’a certainement pas voulu ce traitement, n’a été pour rien non plus dans cette rupture, qui a eu des effets désastreux, de quelque côté qu’on l’envisage, soit pour les intérêts religieux, soit pour les intérêts nationaux. Pour ces derniers, on commence enfin à s’en apercevoir. De la situation qui sortira de cette terrible guerre,