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minuscule dans la province et le diocèse de Trévise, entre Castelfranco et Asolo, château pittoresquement assis sur les contreforts des prealpi. Le petit paysan Giuseppe Sarto s’en allait à pied chaque matin, à sa classe de Castelfranco, sept kilomètres de route blanche bordée d’ormeaux à travers les cultures de cette campagne riante qui s’étend entre la montagne et la lagune. L’humble village de Riese, l’humble maison natale de Pie X, à côté de l’auberge Alle due Spada où l’on était servi par les siens, où l’on pouvait, l’été, causer avec les sœurs venues de cette Rome où le retenait sa papauté, tout cela pouvait rappeler à un visiteur de France les origines de tant de membres de notre clergé. Une vie pauvre et droite, la piété et le travail, les fortes vertus familiales, la charité pour les plus pauvres et le respect naturel pour ceux qui sont au-dessus, voilà l’héritage que Pie X a trouvé. Et c’est à peu près l’héritage qu’il a laissé. Cette famille, restée toujours pareille, il a refusé de l’élever. Le « népotisme, » depuis longtemps disparu à Rome, a semblé une chose encore plus complètement périmée sous le pontificat de Pie X. Très loin de Rome, à quelque distance de Riese, on pouvait, jusqu’à ces derniers temps, rencontrer sur la route un ecclésiastique, son gros parapluie sous le bras. C’était le propre neveu du pape, don Parolin, curé-archiprêtre de Possagno, patrie de Canova, petit endroit montagneux et charmant, archiprêtré fort peu brillant. Dans un autre siècle, celui-là eût été le « cardinal-neveu » occupant la place du cardinal Merry del Val et remplissant ses fonctions qu’il eût peut-être remplies très bien.

L’enfant de Riese, l’écolier de Castelfranco obtint une bourse au séminaire de Padoue où il poursuivit toutes ses études. Rentré dans son diocèse de Trévise, « chapelain, » puis curé dans deux bourgades rurales, il y fit, dans un petit cercle, l’apprentissage des hommes en commençant d’exercer son zèle sacerdotal. Ce zèle et les vertus du prêtre, il les cultiva ensuite chez lui et chez les autres à Trévise, en récitant l’office dans une stalle cathédrale, en dispensant au séminaire l’enseignement religieux et la direction spirituelle, tandis que des postes administratifs à l’évêché lui montrèrent le côté pratique des réalités ecclésiastiques. Les recommandations de plusieurs évêques et du cardinal Parocchi le désignèrent pour l’évêché de Mantoue : il y passa neuf années dans le gouvernement d’un