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échoué. Il y avait enfin la Triple Alliance et ses efforts, prêts à tout pour exercer et modifier une politique qu’à tort ou à raison elle jugeait avoir travaillé contre elle. Le veto de l’Autriche, qui venait atteindre le cardinal Rampolla, était l’expression de toutes les défiances éveillées contre le fidèle secrétaire d’Etat de Léon XIII. Mais est-ce le veto autrichien qui a été la vraie cause de l’élection de Pie X ? Nous croyons plutôt qu’il faut la chercher dans l’idée très répandue alors qu’il fallait un Pape « religieux, » comme on disait alors, un Pape étranger à la politique, même étranger à la curie romaine, l’évêque d’un diocèse italien et d’un diocèse situé dans l’Italie du Nord.

Ce fut le cardinal Ferrari, archevêque de Milan, qui le premier prononça le nom, appuyé par son collègue de Turin, du cardinal Sarto, que l’on murmurait faiblement avant le Conclave. Deux cardinaux de curie, d’abord le cardinal Agliardi, puis le cardinal Cavagnis, tous deux originaires de Bergame, devaient le recueillir. Un autre cardinal de curie, qui était de l’Ombrie, le cardinal Satolli, parut le découvrir et se fit l’agent le plus actif de la candidature Sarto. On a remarqué plus d’une fois depuis que les premiers champions de l’élection du cardinal de Venise n’avaient pas toujours semblé complètement d’accord avec toutes les directions du pontificat de Pie X.

Tous les témoignages montrent le cardinal Sarto, au conclave, recueilli dans les larmes et la prière, ému, accablé, protestant de son indignité. Il fallut recourir à la pression de vives instances pour emporter, vers la fin, le consentement de son humilité. Ce qui emporta toutefois les dernières résistances du prêtre, ce ne sont pas les insistances de ses collègues les cardinaux, c’est le sentiment d’un grand devoir. Quand le matin du 4 août, le scrutin proclamé, les cardinaux s’avancèrent vers lui, quand le doyen prononça la formule : « Acceptes-tu ? » le futur Pape épuisé, tremblant et pleurant, répondit d’abord par les paroles du Christ aux Oliviers où il est question du calice et de la volonté divine. A une seconde interrogation, il se redressa pour déclarer d’une voix plus assurée : J’accepte ; je me nomme désormais Pie X.


On a dit souvent de ce Pape qu’il puisait ses inspirations au pied de son crucifix. On a dit et répété qu’il était le Pape