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Papauté. Pour l’Italie, la Papauté restait la puissance italienne qui devait toujours servir le pays qui l’avait dépossédée. Pour Léon XIII, la Papauté était et devenait de plus en plus la puissance mondiale et universelle. Il pouvait être vrai que l’Italie, en lui prenant un petit territoire, avait contribué à la pousser dans cette voie. L’unité italienne, avec Rome capitale, si elle ne visait pas à l’asservir, la Papauté devait avoir pour conséquence de la désitalianiser. Le caractère dominant du pontificat de Léon XIII, c’est le souci qui ne l’a jamais abandonné de montrer et de mettre la Papauté en contact avec le monde, de lui ouvrir les larges horizons, de lui attirer partout des sympathies. Qu’il se soit ou non mêlé une part de rêve et d’illusion, même, si l’on veut, quelque recherche de gloire personnelle, aux idées généreuses et nobles d’un Léon XIII, il n’en est pas moins vrai que ce sont elles surtout qui ont fait la grandeur du nom laissé par lui dans le monde et qui l’ont imposée bien au delà du cercle de ses fidèles. Un écrivain italien, que la politique italienne de Léon XIII ne pouvait satisfaire, mais qui avait aussi l’esprit noble et généreux, Antonio Fogazzaro, a marqué ce trait admirablement dans une simple phrase : « Il a forcé, disait-il du Pape au lendemain de sa mort, à penser à lui non seulement ceux qui ne croyaient pas en son autorité, mais encore les hommes qui avaient une autre foi, et même les hommes qui n’avaient point de foi. »


Le 31 juillet 1903, s’ouvrait le conclave qui devait désigner le successeur de Léon XIII. Un tel pontificat, par sa durée, par les directions et les idées qui l’avaient marqué si fortement, par toutes les questions de politique qu’il avait soulevées, ne pouvait manquer de laisser après lui des mécontens. Il y avait des gens pour critiquer les tendances larges et les idées ; d’autres se plaignaient que la préoccupation politique eût trop absorbé. La politique italienne du Pape mort et son attitude à l’égard de l’Italie n’avaient pas été sans déplaire à certains catholiques italiens. La politique anticléricale française, qui, sourde à la voix du bon sens et de l’intérêt national, avait répondu si mal aux avances d’un Pape exceptionnellement disposé pour la France, était alors à son apogée : elle servait d’argument puissant contre la politique de Léon XIII, qui paraissait avoir