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de tout ce fracas meurtrier, pendant la nuit du 19 au 20 août 1914, tandis que près de lui l’assistaient des prêtres, les deux sœurs qui lui restaient avec une nièce, son fidèle entourage vénitien.

On a dit que, contraint d’abandonner la lagune et son pays aimé de Venise sans espoir de retour, il aurait désiré revenir au moins reposer sous le bel san Marco. Il avait modifié depuis ses intentions, réglant avec précision ce qui concernait ses funérailles et sa tombe. Il avait défendu qu’on l’embaumât ; il avait choisi le lieu définitif de son repos dans les grottes vaticanes, ces galeries qui s’étendent sous Saint-Pierre, à l’entour et en avant de la Confession. Et il s’est trouvé que Léon XIII, son prédécesseur dont le sépulcre est vide à Saint-Jean-de-Latran, dormait encore dans la tombe provisoire, au-dessus d’une porte, où l’on hisse traditionnellement le pape mort, quand la dépouille de Pie X a passé pour descendre aux Grotte vecchie. C’est la partie la plus basse de la crypte aménagée par des papes constructeurs du vaste édifice, de Paul III à Paul V, qui garde, sous ses voûtes sans architecture, les vestiges et le pavé de l’ancienne basilique, des monumens divers de l’histoire et de la papauté. Des débris, des inscriptions, des sarcophages, des statues, sont aux parois, le long des murailles de ces souterrains sombres et parfois étroits.

C’est dans ces catacombes que, le soir du 23 août, quatrième jour après sa mort. Pie X est allé attendre l’heure du réveil universel. On a procédé aux cérémonies rituelles de la mise en triple bière, ce pendant que les chantres entonnaient les répons liturgiques, des motets chers au restaurateur de la musique sacrée. Puis le cortège s’est formé pour mener le pontife à travers la nef illuminée cette fois, la nuit tombée, sous la majestueuse coupole, sous le baldaquin du Bernin, jusqu’au seuil de la Confession. Et l’on vit le pape Pie X disparaître mystérieusement dans la crypte, près du tombeau de l’apôtre, comme s’il s’enfonçait dans les profondeurs de l’histoire.


Les onze années du pontificat de Pie X marqueront pour l’Eglise à la suite des pontificats de Pie IX et de Léon XIII qui ont duré respectivement trente-deux et vingt-cinq ans. Beaucoup plus court, le règne de Pie X, monarque sans royaume qui