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prête, et il nous semble qu’après les épreuves que nous traversons et qui sont si propres à unir tous les Français, le rapprochement qui se sera fait entre eux en facilitera d’autres. Elle les facilitera… si on le veut et si on s’y prête. Pie X ne s’est jamais refusé à écouter les vœux de la France, il a demandé seulement que le gouvernement français voulût bien les lui faire connaître : il avait raison, et ce n’est pas en cela que nous l’avons trouvé intransigeant.

Quelque jugement qu’on porte sur son œuvre religieuse, aussi bien que sur son œuvre politique, tout le monde contient qu’elle a été d’une haute portée. Dans un siècle où le libre examen a été poussé si loin et où les esprits ont été si profondément modifiés par les influences ambiantes, il a rétabli le dogme dans sa rigueur littérale et resserré avec une grande autorité les liens de la discipline ; il les a même tendus assez durement quelquefois, sans d’ailleurs les briser, car il a rencontré partout la soumission et l’obéissance. Les exemples du contraire ont été si rares qu’on peut les négliger. C’est un spectacle en un sens admirable qu’a donné l’Église dans le monde entier, et particulièrement en France. Elle sort de cette crise fortifiée au dedans, mais battue en brèche plus ardemment du dehors. Les fidèles sont peut-être plus fidèles, mais leur nombre a-t-il augmenté ? De pareilles questions exigeraient des volumes pour être résolues, à supposer même qu’on les puisse résoudre. Et nous devons nous arrêter. Contentons-nous donc de nous incliner respectueusement devant un pontife qui a eu souvent à diriger la barque de saint Pierre au milieu d’un violent orage et qui ne l’a pas laissé sombrer. Son humilité le portait d’ailleurs à croire que la barque, grâce aux promesses surnaturelles qui lui avaient été faites, n’avait pas besoin de lui pour échapper au péril.

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.