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côté est le cœur de la Porte, et il est à souhaiter, — pour elle, — que des inclinations qu’elle ne dissimule pas assez ne lui fassent pas commettre une nouvelle imprudence, qui serait grave. Telle est la situation actuelle dans ses traits généraux. La guerre n’est qu’à son début, et nous devons ceindre nos reins pour soutenir une longue lutte. Mais, puisqu’on parle si souvent aujourd’hui des « impondérables » et de leur valeur si appréciée par Bismarck, nous pouvons dire en toute sincérité que nous nous sentons soutenus par les sympathies de tout le monde civilisé. Il souhaite ardemment notre victoire. En dehors de la Porte peut-être, qu’on nous cite le pays neutre, petit ou grand, qui souhaite celle de l’Allemagne !


Nous regrettons bien sincèrement que nos intérêts vitaux, qui sont aujourd’hui en proie à une pénible épreuve et absorbent la plus grande part de nos préoccupations, ne nous permettent pas de parler de la mort du pape Pie X avec toute l’ampleur que mérite l’importance de l’événement. Mais la Revue reviendra certainement sur le pontificat qui vient de prendre fin, après avoir rempli une période de onze ans qui comptera dans l’histoire de l’Église et du monde.

La manière dont Pie X a été élu, à l’exclusion d’un autre candidat qui avait la faveur du conclave, mais non pas celle de l’Autriche, était pour le nouveau pape un mauvais début dans ses fonctions : hâtons-nous de le dire, les craintes qu’on aurait pu avoir sur l’impartialité et sur l’indépendance de Pie X n’ont pas tardé à se dissiper. Pie X était un prêtre très vénérable, qui avait vécu en dehors de la politique et a continué d’y vivre une fois élevé au souverain pontificat. Tout entier appliqué à ce qu’il considérait comme son devoir religieux, ignorant le monde, vivant dans la prière, il était trop différent de son illustre prédécesseur pour qu’on n’établît pas un contraste entre eux et qu’on ne fût pas tenté d’établir aussi une opposition entre leurs œuvres. Peut-être cette opposition était-elle plutôt dans la forme que dans le fond. Léon XIII était un prélat d’une grande vertu, mais il était par surcroît un grand esprit ; il connaissait la politique, il l’aimait même parce qu’il y réussissait, et, s’il était très ferme dans la défense des principes fondamentaux et des intérêts dont la garde lui était confiée, il était souple, avisé, renseigné, sensible à l’opportunité, au choix du moment ; il savait enfin pratiquer les ménagemens qui sont habituellement, sinon même toujours nécessaires dans la pratique des hommes et des choses. Mais Léon XIII avait duré vingt-cinq ans ! On se lasse de tout à la longue,