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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Les limites d’une chronique sont bien étroites pour parler comme il conviendrait des événemens dont nous sommes les témoins émus, anxieux, mais toujours coniians : et notre confiance n’est pas un acte de la volonté qui se raidit, mais de la raison qui réfléchit, calcule les chances et conclut.

L’intérêt principal aujourd’hui, l’intérêt unique est sur la frontière : commençons toutefois, pour revenir ensuite avec plus de liberté d’esprit aux choses militaires, par dire un mot des choses politiques et des remaniemens ministériels qui viennent d’être opérés. Le ministère Viviani, dans sa composition première, était un étrange paradoxe : il contrastait avec la gravité de la situation. C’est le jour même de la déclaration de guerre qu’il aurait fallu le changer. Si nous ne l’avons pas dit, si personne ne l’a dit, du moins tout haut, tout le monde l’a pensé. Le silence gardé à ce sujet montre à quel point l’opinion publique a le sentiment de sa responsabilité ; mais d’autres ont aussi la leur. L’initiative est venue cette fois d’où elle devait venir. M. le Président de la République a pris la résolution qu’il devait prendre et l’a exécutée. Les radicaux étaient au pouvoir, il fallait les y laisser nominalement. M. Viviani reste donc président du Conseil, mais son nouveau ministère est un ministère de défense nationale, où les diverses fractions du parti républicain sont représentées. Les socialistes unifiés eux-mêmes y figurent dans la personne de M. Marcel Sembat, leur orateur le plus brillant depuis la mort de M. Jaurès, et d’un des vieux prophètes de leur plus Ancien Testament, M. Jules Guesde : cette figuration n’a d’ailleurs rien qui nous choque, puisque les socialistes unifiés n’ont pas rompu l’unité nationale et qu’ils font leur devoir comme les autres, en bons Français. Mais la vraie signification du ministère est dans la présence de