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une quantité prodigieuse d’eau et cette déshydratation est la cause de l’aspect du malade (yeux caves, peau épaisse, mate). Pouls qu’on ne peut sentir, douleurs dans les articulations, crampes dans les membres, etc., tout cela disparait ; le malade revient à la vie, c’est une résurrection, mais malheureusement souvent temporaire, car la toxine persiste et tue le malade ultérieurement.

Il y a trente-deux ans que la cause de cette terrible affection est connue. Ce fut Koch, celui qui découvrit le bacille de la tuberculose, qui découvrit aussi, dans une mission aux Indes, le microbe du choléra. En examinant les selles des diarrhéiques il fut frappé de la présence d’innombrables élémens microscopiques ayant la forme d’une virgule et doués de mouvemens extraordinairement rapides. C’est que ces microbes ont un petit cil, une sorte de godille à une de leurs extrémités, et ils vont à une vitesse vertigineuse. On les appelle « vibrions » ou encore bacille comma (Κόμμα, virgule).

Lorsqu’on les cultive dans le laboratoire, ils poussent avec une rapidité extraordinaire. C’est assurément une des bactéries qui se multiplient le plus abondamment. Si on en dépose une goutte dans un grand ballon, contenant du bouillon stérile, le lendemain on voit un trouble très prononcé dans le ballon, indiquant la présence de vibrions, et, à la surface, un voile épais constitué uniquement par la multitude de ces vibrions venus à la surface.

On peut juger du nombre extraordinaire des vibrions, de la faculté de reproduction phénoménale de ces bactéries, si l’on considère qu’un centimètre cube du liquide en contient des milliards, une gouttelette des millions.

D’autre part, on perçoit tout le danger de ces vibrions, puisque quelques-uns seulement suffisent pour tuer un homme du choléra, parce que l’intestin est comme le ballon de bouillon dont nous parlions plus haut, c’est-à-dire qu’il est un excellent milieu de culture, et une fois amorcé avec quelques vibrions, quelques heures après, tout le tube digestif sera plein de ces bactéries.

Pourquoi ces vibrions sont-ils dangereux ? Nous avons dans le tube digestif des milliards de milliards de bacilles, et nous nous portons à merveille. Mais le vibrion n’agit pas seulement par sa présence, par une action mécanique : il sécrète encore, si petit soit-il, une substance très active, une sorte de poison mal déterminé jusqu’ici, et la réunion de ces milliards de petites sécrétions forme finalement une grande