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sans pareil sa véritable nature, avec son mélange profond de bassesse et de ruse, d’impudence et de férocité ?

« Il ne faut pas oublier que, dans nos relations avec les Polonais, nous n’avons pas affaire à des égaux. Avec une race comme celle-là, notre rôle, à nous, est de commander ; le leur, d’obéir. » Cette phrase mémorable d’un discours prononcé au Landtag prussien, le 25 janvier 1904, par le ministre Hammerstein ne traduit encore qu’imparfaitement l’attitude ordinaire de la Prusse à l’endroit des Polonais. Elle définit bien l’immense mépris dont je parlais tout à l’heure, mais non pas ce qui s’y ajoute de haine malfaisante. Non content de tenir expressément les Polonais pour une espèce inférieure, le gouvernement prussien ne cache pas son dessein de travailler par tous moyens possibles à les supprimer ; et l’ « obéissance » qu’il exige d’eux consisterait exactement, de leur part, à se laisser traiter comme une race de lapins ou d’autres bêtes nuisibles dont un propriétaire aurait résolu de délivrer ses bois. C’est à cette seule fin, — l’ « élimination » prochaine et radicale de l’élément polonais, — que tend tout l’effort d’une politique inaugurée déjà, au lendemain de la guerre de 1870, par le prince de Bismarck, et prêchée notamment, après lui, par un célèbre professeur de l’université de Leipzig, M. Hasse, à qui M. Burck attribue l’honneur, — si je puis ainsi dire, — d’avoir inspiré d’une manière plus ou moins immédiate la plupart des mesures de « germanisation » employées en Posnanie depuis un quart de siècle. Voici, par exemple, le résumé que nous fait M. Burek des chapitres consacrés à la Question polonaise dans un gros livre où le professeur Hasse a recueilli l’essence de ses leçons sur la Politique intérieure allemande :


Aux yeux du professeur de Leipzig, le « danger polonais » est une pure chimère : car il n’y a pas de rêve plus insensé que celui de la renaissance d’un puissant État polonais capable de devenir une menace pour l’Empire allemand. D’après M. Hasse, l’avenir appartient aux grandes nations, dont les luttes économiques constitueront l’histoire des siècles prochains. Et pour que, dans ces luttes, la nation allemande soit à même de tenir tête aux trois autres nations qui, seules, se trouveront appelées à survivre en face d’elle, — la Russie, l’Angleterre et la Fédération Américaine, — il faudra comme conditions absolument nécessaires : 1° que tout le territoire de l’Empire allemand ne soit habité que par des Allemands ; 2° qu’aux Allemands de l’Empire actuel s’unissent ceux de leurs compatriotes qui habitent aujourd’hui des Etats limitrophes. Aussi convient-il que l’Empire allemand ne néglige rien pour s’annexer au plus vite ces États limitrophes du Nord et du Sud, tels que la Hongrie, ou peut-être certains morceaux de